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ailleurs, aurait ainsi suspendu les préoccupations religieuses ? Si toutes ces raisons ont chacune leur vérité, elles ne sont pas toutes également rassurantes.

Quant aux églises protestantes, j’ai déjà raconté les vicissitudes intimes de leur récente histoire[1]. Cette histoire n’est point à bout. L’édit de pacification promulgué le 30 mars 1817 n’est qu’un épisode et non point un couronnement. A côté de l’évangélisme, culte officiel de l’état, l’édit du 30 mars appelle dorénavant, avec les mêmes droits et les mêmes honneurs, le culte calviniste et le culte luthérien, les deux vieilles communions trop long-temps traitées en hérésies par cette religion de fraîche date que l’arbitraire de Frédéric-Guillaume III avait improvisée sur leurs ruines en mêlant leur substance. C’est une juste et nécessaire réparation. L’édit va plus loin encore : il octroie à tous les citoyens le droit de former de nouvelles sociétés religieuses, et il s’intitule par conséquent un édit de tolérance ; cette tolérance cependant mérite réflexion avant qu’on en use.

Pour peu qu’on se représente fidèlement l’état vrai des opinions religieuses dans la grande majorité du clergé protestant de la Prusse, on voit tout de suite combien les croyances diffèrent aujourd’hui des symboles reconnus à la paix de Westphalie. Or, ce sont ces symboles que l’édit du 30 mars érige en criterium suprême pour rejeter quiconque ne les admet pas du sein des églises établies, approuvées, glorifiées et salariées par le gouvernement, c’est-à-dire que, l’orthodoxie prussienne tant en somme question de majorité (ce qui est la seule base possible de toute orthodoxie protestante), une minorité assise dans les consistoires par un pouvoir purement laïque impose néanmoins les formulaires de 1648 à cette masse ardente portée par la pensée de ce temps-ci dans de plus larges sentiers. Le concile diplomatique de 1648 doit donc faire date pour les questions de dogme comme pour les questions de politique ; mais, tandis que l’histoire a déjà deux ou trois fois bouleversé la politique décrétée par les négociateurs du XVIIe siècle, la stricte dévotion de ces pieux évangéliques, nés eux-mêmes il y a quelque vingt ans, ne reconnaît d’église normale que les églises conformes aux principes religieux des doctes pères de Munster et d’Osnabrück. La vraie liberté promulguée par l’édit du 30 mars, c’est la liberté d’aller former où l’on voudra une église anormale, dès qu’on ne pourra plus s’arranger de l’orthodoxie officielle. Le pauvre pasteur de village, tout chargé de famille, s’il a par hasard l’esprit trop indocile ou la conscience trop délicate, s’il ne sait point adorer dans le silence de la béatitude cette œuvre flamboyante de 1648, le pauvre hétérodoxe doit sortir de la maison indigente où l’état lui garantissait du moins sa

  1. Voyez la livraison du 1er décembre 1846. Berlin, la Situation religieuse.