princes, d’accord avec les peuples, ont accepté, sous la dénomination d’union douanière, le principe d’une fédération politique, seul mode d’existence possible pour l’Italie émancipée. Ainsi, des trois puissances qui formaient cette compacte alliance continentale si long temps redoutable aux libertés modernes, l’une s’engage, par la force des choses et malgré les hésitations de son roi, dans les voies constitutionnelles ; l’autre est désarmée, même sans pouvoir combattre, par la douce autorité d’un pontife, et la Russie reste seule dans son isolement et dans ses glaces pour représenter les principes contraires à ceux qui constituent notre symbole politique et notre grandeur morale. En Espagne, la France a repris tout le terrain que de honteuses intrigues lui avaient un moment arraché ; l’ordre règne au palais, dans le gouvernement et dans la nation. Le parti modéré a pris possession des affaires par sa seule force ; il s’est assis au gouvernement comme le parti conservateur l’a fait en France, parce qu’il est le seul qui puisse donner une satisfaction permanente aux véritables intérêts de son pays. On peut affirmer que désormais ce parti n’a plus besoin de personne, et qu’il a été soumis à l’épreuve la plus propre à le retremper et à lui donner la pleine conscience de lui-même et de ses destinées.
Une seule difficulté sérieuse parait peser sur la politique française : elle résulte de la tournure inattendue qu’ont prise les événemens en Suisse, et de l’empressement de lord Palmerston à compliquer de ses mauvais vouloirs et de ses inexorables rancunes une situation dont la gravité devrait commander plus de réserve. Qu’on se soit fait des illusions sur la force du Sonderbund, comme on s’en faisait en août 1840 sur celle du pacha d’Égypte, et que la prise de Fribourg n’ait pas moins surpris que celle de Beyrouth, cela peut être assurément, mais ne touche point à la question, qui reste entière, après la défaite du Sonderbund comme avant, pour la France aussi bien que pour les autres puissances qui ont garanti la confédération helvétique et activement concouru à sa formation. Le succès militaire obtenu par la diète sur l’alliance séparée des sept cantons ne saurait dégager l’Europe des devoirs que lui imposent le soin de sa propre sécurité et le respect des principes fondamentaux du droit public.
La fédération suisse a été constituée en 1815, après de longues difficultés et au prix de sacrifices territoriaux dont la France a supporté la plus large part ; pendant qu’on garantissait sa neutralité perpétuelle et qu’on lui donnait des frontières, l’on amenait, à force d’efforts, plusieurs cantons à y entrer après des refus obstinés, inspirés par l’inquiétude qu’ils éprouvaient pour leur propre souveraineté et pour leurs intérêts religieux. Ce principe de la souveraineté cantonale et de l’indépendance respective des états devait être maintenu à double titre ; d’une part, il était la seule garantie que possédassent ces pays eux-mêmes contre la domination de voisins séparés d’eux par les mœurs et par les croyances ; de l’autre, il empêchait la formation d’une puissance militaire au centre de l’Europe, et prévenait les périls qui seraient immanquablement résultés de l’interférence active de cet état dans les affaires générales. La neutralité de la Suisse importait donc à la paix du monde, et cette neutralité ne pouvait s’asseoir que sur la base de la souveraineté cantonale. Dans le droit public de l’Europe, les vingt-deux cantons ne sont pas moins indépendans entre eux que la Saxe, la Bavière et la Prusse au sein de la confédération germanique.
C’est à ce point de vue que la France s’est placée dès l’origine pour apprécier