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mathématique qui ne leur est pas nécessaire. Le gouvernement représentatif, voilà ce qu’ils ne veulent pas comprendre, ne vise pas à l’harmonie parfaite, à l’accord absolu, ou plutôt il y vise, mais c’est en s’attendant, comme toutes les choses humaines dans leur rapport avec l’idéal, à rester toujours un peu en-deçà du but. Il y a du plus, il y a du moins dans les influences, suivant les temps, suivant les hommes. Il suffit, pour la sincérité du gouvernement représentatif, que le gouvernement royal ne puisse pas devenir oppresseur, et il a, par la majorité, un moyen de l’en empêcher, comme il a, contre la corruption, la publicité des débats, la presse, l’opinion. Il n’appartient pas à la logique de régler à priori d’une manière invariable les rapports des pouvoirs entre eux, et on comprend qu’elle se choque de ce qu’il y a toujours d’un peu arbitraire et d’un peu flottant dans la part exacte qui revient ou à celui-ci ou à celui-là ; mais autre est la logique étroite, obstinée et stérile, autre le bon sens étendu, conciliant et fécond en applications. Or, le bon sens ne laisse pas douteux que l’équilibre des pouvoirs même imparfait vaut mieux pour les peuples que la domination exclusive d’un principe simple. Voilà ce qui nous rend illusoires, ce nous semble, les conclusions extrêmes que quelques esprits tirent de ces luttes de prérogative, d’où leurs inquiétudes ou leurs désirs sont toujours près de voir s’échapper les révolutions.

Ecrit avec un laconisme sententieux et d’un ton tranchant, découpé en petits chapitres, mélange singulier d’idées communes, de paradoxes, de critiques fines et pénétrantes et d’utopies logiquement enchaînées, superficiel à l’excès quant,aux principes philosophiques, et arrivant presque dans certaines remarques à la profondeur, hérissé de mauvais langage, çà et là trouvant le relief et une énergique concision, le livre de M. Calixte Bernal n’est pas seulement une vive critique des mauvaises institutions qui ont tour à tour gouverné l’humanité ; sur les ruines du gouvernement constitutionnel et de toutes les autres combinaisons politiques, il édifie un système nouveau qui a la prétention de renfermer ce que chacune d’elles renferme de bon et d’essentiel. Voici à peu près quel est ce système ; nous le notons comme une preuve de plus de l’alliance des idées socialistes avec l’absolutisme politique, de cette alliance qui nous parait être un des traits de la polémique anti-constitutionnelle dans la transformation qu’elle subit sous nos yeux. La démocratie, dit l’auteur de la Monarchie démocratique, a tous les avantages, à la durée près. Le gouvernement d’un seul n’a aucun avantage, -si ce n’est celui de la durée. Suivant le procédé logique qui lui est propre, l’auteur pense donc qu’il ne s’agit que de les unir et qu’on obtiendra par leur alliance un gouvernement à la fois bon et durable ; mais comment s’y prendre en pratique ? Voilà la question qu’examine avec un soin tout particulier, avec un luxe de précautions infinies, l’auteur de la Monarchie démocratique. On se doute bien que M. Calixte Bernai n’a rien de plus pressé que de rejeter de sa combinaison la chimère du pouvoir pondérateur. Entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, il faut se garder de rien placer, et voici comment M. Calixte Bernal arrive à éliminer toutes ces transactions trompeuses qui énervent le régime constitutionnel. Dans la théorie de l’auteur de la Démocratie au dix-neuvième siècle, le pouvoir législatif appartient au souverain ; le peuple réuni en collèges électoraux décide. Rien d’ailleurs entre le roi et la nation. Au roi l’initiative, au peuple le veto. Le peuple représente la puissance de résistance, la force d’inertie ;