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la fantaisie des artistes ; 2° des comédies, des pastorales, des tragédies et des tragi-comédies écrites.

Il semble assez difficile de se former une idée exacte des ouvrages de la première classe. Les improvisations ne périssaient-elles pas chaque soir ? et les canevas manuscrits, où les retrouver ? Quand les frères Parfait déclarent qu’on ne peut savoir quelles pièces les premières troupes italiennes représentèrent, peut-on espérer d’arriver à les connaître ? Oui, vraiment ; et même sans beaucoup de peine. Flaminio Scala, le spirituel et laborieux directeur des Gelosi, eut l’heureuse idée, quand il se fut retiré du théâtre, de réunir et de publier les nombreux sujets d’improvisation qu’il avait disposés pour sa troupe pendant sa longue carrière théâtrale. La première partie, la seule malheureusement qu’il ait eu le temps ou la volonté de mettre au jour, ne contient pas moins de cinquante canevas. Ce recueil est intitulé : Il teatro delle favole rappresentative, overo la recreatione comica, boscareccia e tragica ; Venise, 1611, in-4. Bien des personnes, qui ont ouvert ce livre, n’ont pas cru qu’il renfermât des canevas ; elles ont passé outre, croyant avoir sous les yeux des pièces dialoguées ordinaires. Leur erreur est venue de ce que, bien que sous forme narrative, les noms de personnages sont détachés du texte et placés à la marge, ce qui donne au récit un faux air de dialogue.

Ce recueil nous met, lui seul, en possession de près de la moitié du répertoire des Gelosi. On est frappé au premier examen, et même à la simple lecture du titre, de voir que non-seulement on jouait alors des comédies improvisées, mais que l’on représentait encore, sur canevas, des pastorales, des tragédies et des tragi-comédies. Quant à la prétention, si souvent affichée par les comédiens d’alors, de pratiquer vertueusement leur art, on peut, en parcourant ce recueil, se convaincre que les thèmes qu’ils avaient à développer étaient, la plupart du temps, d’une liberté excessive, et il est bien douteux, à vrai dire, que le dialogue et l’action corrigeassent ce qu’il y avait de peu décent dans les sujets.

Quant à la seconde classe de pièces, je remarquerai d’abord que Louis Riccoboni s’est étrangement trompé en avançant qu’à la fin du XVIe siècle et au commencement du XVIIe les comédiens cultivaient exclusivement la comedia dell’ arte, tandis que les académiciens et les gens du monde représentaient seuls des pièces écrites, plus ou moins régulières. Cette distinction est absolument inexacte. Les académiciens et les gens du monde jouaient assez souvent all’ improvviso, témoin les farces de Salvator Rosa et les canevas composés par J.-B. Porta pour fournir aux improvisations de ses amis. D’une autre part, les comédiens pratiquaient incontestablement les deux genres. N’avons-nous pas vu