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moins dignes de souvenir n’ont obtenu qu’une part de publicité très imparfaite. Aussi, deux sciences réparatrices, et dont les travaux marchent de conserve, la bibliographie et l’histoire littéraire, s’appliquent-elles laborieusement, l’une à rechercher et à constater l’existence, l’autre à apprécier la valeur de ces écrits oubliés, enfans presque perdus de la pensée de nos pères. Quelquefois même, quand les faits et les preuves de filiation se dérobent trop obstinément à l’investigation scientifique, la fantaisie et la conjecture viennent abréger la tâche, et l’on a vu, sous la plume de quelques écrivains de plus d’imagination que de patience, se produire un nouveau genre de littérature hybride qu’on pourrait appeler la bibliographie romanesque. Pour moi, qui m’obstine à croire que la vérité nue, quand on peut l’atteindre, a autant et plus d’attraits que la fiction, j’aimerais qu’à côté du compte-rendu journalier des productions contemporaines, et concurremment avec l’étude toujours nouvelle des chefs-d’œuvre consacrés, l’érudition sévère ne dédaignât pas de temps à autre de tirer de leurs ténèbres certains livrets poudreux qu’aucune main n’a probablement touchés depuis leur publication. Il y aurait, si je ne m’abuse, une sorte de plaisir de découverte à diriger le télescope de la critique vers quelques-uns de ces petits astres lointains, étoiles obscurcies du XVIe siècle. Il faudrait seulement exiger du Mathanasius qui ne craindrait pas de se plonger dans ces recherches, de ne ramener au jour que des inconnus offrant une singularité véritable, et dont l’étude fût propre à ouvrir quelques nouveaux points de vue aux théories littéraires ou à ajouter quelques faits intéressans à l’histoire de la littérature et des mœurs.

J’ai cru reconnaître plusieurs de ces conditions dans l’opuscule dont on vient de lire plus haut le titre abrégé. Ce livret m’a paru d’une originalité assez piquante, et de plus il me fournira, j’espère, l’occasion de réunir quelques documens pour une histoire qui est à faire, celle des quatre-vingts premières années de l’établissement du théâtre italien en France. Il faut vraiment que nous ayons eu, jusqu’à ces derniers temps, une bien profonde aversion des origines, pour avoir ainsi refusé toute attention aux premières visites de ces joyeuses et poétiques caravanes qui, depuis Henri III jusqu’à Mazarin, n’ont cessé de nous apporter les prémices de cette comédie vive, enjouée, naturelle, que nous ne possédions pas encore, et dont le rire, à la fois fantasque et sensé, a eu tant d’influence sur le génie naissant de Molière.

Quoique imprimé à Paris par Nicolas Callemont, le Teatro celeste n’a été cité, je crois, par aucun bibliographe français. Il ne figure ni dans le catalogue, si riche en littérature italienne, de M. L***, ni dans l’immense collection théâtrale qu’avait rassemblée M. de Soleinne. Il est mentionné, il est vrai, par les maîtres de l’érudition italienne, mais avec une telle inexactitude, qu’on peut douter qu’ils l’aient jamais vu.