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partisse seul ; j’exprimai alors de nouveau ma volonté de façon à lui interdire toute hésitation, et il sortit. Comme il s’agissait d’une excursion hors de la ville, je revêtis le costume mexicain, et je descendis dans la cour en toute hâte. Je ne remarquai pas sans quelque surprise que mon zarape était attaché derrière la selle de mon cheval. Des pistolets garnissaient les fontes, et une lance armée d’un fer démesuré, que j’avais l’habitude de porter en voyage attachée à l’étrier droit, laissait onduler fièrement sa banderole écarlate. Un sabre pendait à l’arçon de la selle de Cecilio, et une valise assez bien remplie chargeait la croupe de son cheval. Je demandai à Cecilio le motif de ces dispositions prises comme pour un long voyage, quand il ne s’agissait que d’une courte promenade : le valet me répondit que les environs de Mexico étaient infestés de voleurs.

Nous partîmes. Les voyageurs que je poursuivais devaient avoir au plus une heure d’avance sur nous, et la couleur peu commune de leurs chevaux devait les rendre facilement reconnaissables sur la route. Je pouvais me flatter, en pressant le pas, de les rejoindre en deux heures, et, au pis-aller, c’était le temps qu’il fallait à des chevaux frais pour franchir les six lieues qui séparent Mexico de Cuautitlan. Je m’éloignai donc avec l’espoir d’être revenu au coucher du soleil. Cependant la différence d’allure entre mon cheval et celui de mon domestique, différence sur laquelle je n’avais pas suffisamment compté, me forçait de ralentir ma marche. Déjà les deux heures étaient presque, écoulées sans que j’eusse vu sur la route l’homme que je cherchais et sans même que nous eussions aperçu encore le clocher de Cuautitlan. Je craignais presque d’avoir été induit en erreur par un faux renseignement de l’hôtelier, quand des muletiers, en retour vers Mexico, répondirent à mes questions qu’en effet ils s’étaient croisés avec deux cavaliers, dont l’un montait un cheval gris de fer, et l’autre un cheval fleur de pêcher. Nous ne tardâmes pas à gagner Cuautitlan, et l’on put me désigner l’auberge où les cavaliers en question devaient être descendus. Je n’avais donc perdu que peu de temps, et j’allais enfin connaître celui que je brûlais d’atteindre. Je me dirigeai vers l’auberge qui venait de m’être indiquée, et, tout en mettant pied à terre, j’interrogeai le huesped avec la confiance d’un homme sûr de son fait.

— Vos chevaux sont-ils fatigués ? me dit l’hôte quand j’eus fini.

— Non.

— Eh bien ! j’en suis aise pour vous, car ces voyageurs n’ont fait qu’entrer et sortir, après s’être un instant rafraîchis, et il ne faudra rien moins que des chevaux frais pour les rattraper.

Et l’hôte, qui s’intéressait encore moins, si cela se pouvait, aux voyageurs chevauchant sur la grand’route qu’à ceux qu’il hébergeait, me tourna le dos avec l’aménité propre à ses confrères. Je me remis en