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qu’il demeurait dans le meson de Regina, puis il s’était éloigné, vivement contrarié de ne pas m’avoir rencontré, et promettant de revenir le lendemain. Du reste, au dire des gens de la maison, l’air étrange du visiteur, les questions nombreuses qu’il avait faites, le soin qu’il avait pris de ne laisser voir au-dessus des plis de sa manga bleu de ciel que ses deux yeux à moitié cachés par un large chapeau, tout concourait à donner à cette visite inattendue un caractère mystérieux qui ne pouvait manquer d’agir vivement sur mon imagination. Resté seul dans ma chambre, j’interrogeai vainement mes souvenirs, et j’attendis avec impatience le jour, qui devait me donner la solution de cette énigme ; mais la matinée se passa, la journée s’avançait, et l’inconnu ne s’était pas présenté. Je résolus de pousser jusqu’au meson de Regina, et, après m’être fait donner minutieusement le signalement de l’étranger, je me dirigeai, plus impatient encore que la veille, vers l’auberge ainsi nommée.

Quoique situé au milieu d’une des rues centrales de la capitale du Mexique ; le meson de Regina ne se distinguait de ceux des routes les moins fréquentées que par le grand nombre de voyageurs qui y arrivaient ou en partaient à chaque moment. C’était, du reste, le même aspect d’incurie, la même nudité, la même absence de tout comfortable. J’appelai le huesped. Dans tout autre pays, il m’eût été facile de savoir le nom de l’inconnu, dont je pouvais décrire le costume dans les moindres détails ; mais j’avais affaire à un hôtelier mexicain. — Croyez-vous, me dit le huesped, que ce soit mon métier de m’enquérir des noms de ceux qui descendent dans ce meson ? J’ai à penser à bien d’autres choses, ma foi ; mais, quant à l’individu dont vous me parlez, il n’y a pas une demi-heure qu’il est parti pour Cuautitlan, à ce que j’ai ouï dire à son domestique, et en faisant diligence, si vous avez intérêt à savoir qui il est, il vous sera facile de le rejoindre.

— De quelle couleur sont leurs chevaux ?

— Gris de fer et fleur de pêcher.

Une promenade de quelques heures, faite avant dîner, ne pouvait que m’être salutaire. Pourtant, avant de me lancer à la poursuite du mystérieux visiteur, je voulus rentrer chez moi, afin d’interroger une dernière fois mon valet Cecilio. Ce jeune garçon était déjà depuis quelques années à mon service, et sa figure joufflue, son air à la fois hypocrite et naïf, me rappelaient involontairement le personnage d’Ambrosio de Lamela dans Gil Blas. Comme je pouvais le prévoir, je n’obtins cette fois encore que des renseignemens très incomplets. Force me fut donc de congédier Cecilio en lui faisant connaître mon intention de partir immédiatement pour Cuautitlan et en lui donnant l’ordre de seller promptement nos chevaux. Cecilio essaya de me prouver que, dans une affaire aussi délicate, il était peut-être plus convenable que je