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des castes, à laquelle je crois moins à mesure que je vois plus de monumens, quoi qu’en aient dit tous les auteurs anciens et modernes qui ont parlé de l’Égypte. Aujourd’hui je ne veux prendre de Thèbes qu’une vue d’ensemble, et je me hâte de la compléter en franchissant la montagne de l’ouest pour aller dans la vallée des Rois. Là aussi j’ajournerai tout examen détaillé jusqu’à mon retour : je ne ferai cette fois qu’indiquer la disposition générale des monumens extraordinaires que je vais visiter.

Ces monumens se trouvent tant dans la vallée parallèle au Nil que dans une vallée adjacente moins fouillée et qui semble avoir été le lieu de sépulture des Pharaons de la dix-huitième dynastie, comme l’autre était destinée à recevoir ceux de la dix-neuvième. Ainsi, ces deux grandes dynasties, celle de Thoutmosis et celle de Ramsès, que nous avons vues, à Karnac, à Louksor, à Médinet-Habou, élever, l’une auprès de l’autre, l’architecture rivale de leurs palais, avaient choisi chacune son vallon de mort pour y construire cette autre architecture plus singulière et plus durable encore, ces palais funèbres qui ont pour murs les solides parois de la montagne, demeures magnifiques et mystérieuses dont, pendant tant de siècles, les splendeurs n’ont été ni éclairées par un rayon de lumière ni contemplées par un œil humain. En effet, chose étrange ! ces galeries, ces salles nombreuses, étaient creusées dans le roc avec beaucoup de travail et d’effort ; des légendes innombrables, des figures de dieux, d’hommes, d’animaux, des scènes de la vie et de la mort étaient sculptées et peintes avec un grand soin sur les parois souterraines, où pas une place ne restait vide ; et quand tout était fait, quand on avait mis le mort dans son sarcophage de granit, on fermait l’entrée, et on le laissait seul en possession de ces merveilles patientes, qui n’étaient destinées qu’à lui.

Cependant on pénétrait quelquefois dans cette nuit ; peut-être la piété des successeurs allait-elle honorer les aïeux. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à l’époque gréco-romaine, les tombeaux des rois furent visités, comme ils le sont de nos jours, par des curieux qui ont laissé, dans une centaine d’inscriptions, les traces de leur passage. En général, ces inscriptions expriment l’admiration qu’a fait éprouver aux voyageurs l’aspect des syringes, c’est le nom que les Grecs donnaient à ces demeures souterraines. Seul, un certain Épiphanius a pris ses mesures pour que la postérité n’ignorât pas qu’il était un sot[1].

Depuis ces visiteurs de l’antiquité, les tombeaux des rois, dont les

  1. M. Wilkinson, qui cite l’inscription, t. II, 210, en traduisant cette ligne de celui qu’il appelle the morose old gentleman : « je n’ai rien admiré que la pierre » croit que ce dernier mot se rapporte au sarcophage voisin de l’inscription. Il me semble évident que la pierre, veut dire ici la statue, c’est-à-dire la statue de Memnon. Elle est souvent désignée ainsi dans d’autres inscriptions.