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C’est au nom de la reine d’Espagne que le duc de Valence a été mandé. Tout le monde s’est tourné vers lui, comme vers le seul homme qui pouvait encore raffermir le trône et le gouvernement de la reine Isabelle, en obtenant de chacun les concessions qu’exige l’intérêt général. Il y a des conseils et des vérités que le général Narvaez est seul en position de faire entendre à la couronne. Si l’époux de la reine Isabelle finit par se prêter au rapprochement qui lui est demandé, ce sera sous l’influence du général Narvaez. Enfin le personnage qui joue en ce moment le rôle de favori n’a pas attendu la présence du duc de Valence à Madrid pour rechercher sa bienveillance. Le général Narvaez est donc arrivé en Espagne comme un arbitre attendu, comme un médiateur nécessaire. Que sortira-t-il d’une pareille situation ? C’est ce qu’il est impossible de prévoir. Nous dirons seulement que si les progrès de la guerre civile en Catalogne, où les carlistes et les progressistes exaltés paraissent déterminés à faire cause commune, rendent nécessaire de la part du gouvernement espagnol une répression énergique, si l’anarchie intérieure appelle sur tous les points une direction vigoureuse, l’avènement du général Narvaez à la présidence du conseil aura le caractère d’une nécessité politique. Il aura été ramené au pouvoir par la force des événemens.

Dans cette dernière quinzaine, la politique intérieure a manqué d’alimens. C’est ce qui arrive d’ordinaire dans l’intervalle des sessions, pendant le silence de la tribune. Les préoccupations politiques se sont surtout concentrées sur les questions extérieures, dont la gravité n’échappe à personne. L’agitation qui règne en Italie, la situation si précaire de l’Espagne, les résolutions soudaines, les coups de tête qui sont à craindre du côté de lord Palmerston, depuis que le ministre whig peut compter sur un avenir parlementaire de quelque durée, voilà de notables sujets de sollicitude. Aussi ne sommes-nous pas étonnés que les membres du cabinet aient senti le besoin de se réunir pour aviser aux complications du dehors. M. Guizot avait quitté le Val-Richer pour assister au conseil qui s’est tenu dimanche à Saint-Cloud sous la présidence du roi, de retour du château d’Eu. Nous ne croyons pas, comme on l’a dit, que le gouvernement ait proposé à lord Palmerston, par l’organe de M. le duc de Broglie, au pape, par l’entremise de M. Rossi, une conférence pour traiter des affaires d’Italie et de Suisse. Si le gouvernement se préoccupe avec raison de ce qui se passe à Rome et à Berne, son attention doit se diriger plus vivement encore du côté de Madrid ; le moment serait d’ailleurs mal choisi pour proposer à lord Palmerston une action commune.

Quant à l’intérieur, si quelque question eût surgi, nous doutons qu’elle eût attiré l’attention, tristement absorbée par une épouvantable catastrophe. Faut-il donc enregistrer parmi les événemens qui appartiennent à la physionomie générale de notre époque le hideux assassinat de Mme  la duchesse de Praslin ? Si jamais crime fut exceptionnel, c’est l’inexplicable attentat qui a consterné Paris. En vérité, il n’est pas possible de le mettre à la charge des classes élevées et de ce qu’on appelle la corruption sociale. Il y a eu dans tous les temps, dans toutes les civilisations, les plus raffinées comme les plus simples, des organisations anormales, monstrueuses, dans lesquelles la pensée du mal peut s’élever jusqu’au délire le plus féroce et le plus stupide. Ce sont là de ces horribles énigmes de la