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qu’on lui avait promis et qui devaient lui permettre de marcher sur Mexico, le général Scott a dû donner ordre aux garnisons précédemment laissées à Perote, à Jalapa, et même à Vera-Cruz, de venir le rejoindre à Puebla. L’exécution de cet ordre a présenté de sérieux obstacles : sur toute la route de Vera-Cruz à Puebla, de nombreuses guerillas se sont organisées, et le général Pearce, qui conduisait au général Scott 2,500 hommes de la garnison de Vera-Cruz, ayant rencontré près du Pont-National un corps de 1,400 Mexicains, a dû rétrograder après un engagement assez vif. D’autres rencontres partielles et moins importantes ont eu lieu entre les soldats des deux nations près de Tampico. En ordonnant l’évacuation de Jalapa et de Perote, le général Scott a sacrifié au besoin de fortifier son armée, portée présentement à 12,000 hommes, l’intérêt qu’il avait à maintenir ses communications avec la mer. Il s’est placé dans une situation difficile, qui lui ferait un devoir d’en finir promptement, si les propositions pacifiques du gouvernement de Washington n’étaient pas favorablement accueillies. Ces propositions, que le secrétaire de la légation anglaise à Mexico a eu la mission d’aller examiner à Puebla, consisteraient dans la demande de cession du territoire placé sous le 36° de latitude nord, y compris la haute Californie. Une somme destinée à représenter la valeur des terres concédées et débattue en conséquence indemniserait le Mexique, mais jusqu’à un certain point toutefois, en ce sens que le produit de cette indemnité serait appliqué à l’amortissement de la dette mexicaine en Angleterre. L’intervention de l’Angleterre dans cette tentative de négociation aurait eu pour but, comme on le voit, de lui assurer un profit immédiat dans les conquêtes américaines et plus tard une situation avantageuse au Mexique, dans l’hypothèse de nouveaux démembremens de ce pays. Santa-Anna (et ceci accréditerait les soupçons qui ont plané sur lui depuis son retour de la Havane) garderait le pouvoir encore quelques années, sous le protectorat immédiat des États-Unis. Telles seraient les propositions sur lesquelles le congrès mexicain aurait eu à délibérer, si cette assemblée suprême avait été encore en nombre. Malheureusement la plupart des membres du congrès ont quitté Mexico, et ceux qui y sont restés, tout entiers au soin de se faire payer leurs diètes (émolumens), n’ont ni pu, ni voulu trouver le temps de se rassembler pour discuter les offres de l’Union. C’est donc au pouvoir exécutif qu’a été communiquée la lettre de M. Buchanan, relative aux conditions de la paix ; c’est entre les mains de Santa-Anna qu’est remise encore une fois la fortune du pays. Les bruits qui se sont répandus récemment, au sujet de la rupture des négociations et de l’entrée du général Scott à Mexico, ne sauraient mériter, dès à présent, une entière confiance, mais ils sont un indice sûr de l’état des esprits, convaincus désormais qu’une solution décisive ne peut long-temps se faire attendre.

La politique a de plus en plus, en Espagne, la physionomie d’un imbroglio. Tantôt on apprend que la reine a eu tel caprice, tantôt on annonce que le roi a repoussé les offres de réconciliation qui lui ont été faites. Pousserait-il le dépit jusqu’à refuser à la reine, dans une situation compromettante, la protection de sa présence ? Il est certain que le ministère Pacheco s’est trouvé incapable de dénouer les difficultés de la situation. Il a reconnu son impuissance, et il a appelé en toute hâte à Madrid, comme son héritier, le général Narvaez.