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Il ne faudrait pas croire cependant que cette inclination peut-être un peu forte pour les atermoiemens exclût une certaine décision de caractère propre à la nature allemande, cet entêtement germanique qui peut avoir l’air de lâcher tout sans démordre de rien. La Gazette de Cologne termine les articles d’intention si conciliante qu’elle a publiés sur le recès du 24 juillet par quelques mots beaucoup plus expressifs : « En somme, si nous marchons lentement, nous marchons d’un pas sûr et qu’on n’arrêtera point. Il n’y a rien encore qui doive nous décourager ; c’est notre affaire à nous, aux électeurs, aux élus, au peuple entier, de nous montrer fermes et opiniâtres. » M. Hanssmann s’exprimait avec la même constance en revenant, pour la première fois depuis la diète, siéger à sa place ordinaire dans le conseil municipal d’Aix-la-Chapelle. M. Hanssmann, on le sait, est un des cinquante-huit qui, malgré le commandement du roi, n’ont pas voulu nommer les Ausschüsse ; il se fait moins d’illusions que personne sur la portée immédiate des institutions actuelles, sur la valeur d’initiative de l’esprit allemand. Il ne se cache point pour dire en pleine assemblée que les résultats de la diète, à plus d’un égard, ont été fort petits ; que le plus clair désir des ministres, ce serait de les diminuer encore et surtout d’ajourner le plus possible une nouvelle convocation ; et néanmoins, au milieu de tous ces déboires, M. Hanssmann maintient et affirme publiquement que le pays ne peut plus vivre sans états-généraux, qu’il ne peut se passer quatre ans avant qu’on les rassemble, et que la sagesse du roi aussi bien que sa magnanimité lui garantit cette inébranlable espérance.

Du reste, la déclaration signifiée par le gouvernement au sujet des futurs Ausschüsse a déjà porté quelques-uns des fruits qu’on en pouvait attendre. Le roi fait connaître qu’il confirme la nomination des membres choisis par la diète pour entrer dans ces comités, mais qu’il n’accepte point les conditions auxquelles le plus grand nombre d’entre eux a été nommé : aussitôt un député d’Elbing, M. de Bardeleben, dépose son mandat. Tous les représentans de la province de Prusse ayant pris le leur sous les mêmes réserves, on doit croire qu’ils se sentiront placés sous la même obligation, et il est probable que cette démonstration collective aura plus d’effet politique que la démarche isolée de M. de Bardeleben. Celui-ci est un de ces combattans d’avant-garde qui n’attendent jamais leur tour ; l’armée parlementaire de la Prusse a déjà montré toutes ces variétés de personnages. C’est M. de Bardeleben qui, un jour qu’un orateur ministériel disait à la tribune que la diète représentait les ordres, se leva brusquement et s’écria : « Nous représentons la nation ! »

Un homme d’une autorité bien autrement grave, M. de Schwerin, qui, sur la fin de la session, avait sacrifié la rigueur de ses principes constitutionnels aux exigences de la royauté, M. de Schwerin doit, assure-t-on, se décharger de ses fonctions administratives pour appartenir tout entier à la vie publique. Il remplissait la charge de Landrath, charge analogue à ce que serait chez nous celle d’un sous-préfet nommé par les propriétaires de l’arrondissement. Le gouvernement se proposant, à ce qu’il parait, de soumettre à son autorisation l’entrée des employés dans la diète, M. de Schwerin, malgré tout son zèle monarchique, n’a pas voulu subir cette gêne. Il semble donc que les gens les plus modérés s’attendent encore à de grandes épreuves politiques. M. de Vincke, également revêtu du caractère de Landrath ; s’en démettra de même, s’il ne l’a déjà fait. La viva-