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SIMPLES ESSAIS


D'HISTOIRE LITTERAIRE




DE L'ESPRIT CRITIQUE EN FRANCE.




L’esprit critique est, à proprement parler, l’esprit français ; mais cela ne veut pas dire, comme on l’a plus d’une fois prétendu, que nous ayons l’intelligence trop positive pour l’avoir poétique. Il est vrai que nous sommes, en général, plus capables d’observation que d’enthousiasme, que nous avons plus d’aptitude à juger qu’à inventer, à apprécier les contours du marbre qu’à le pétrir. Tout le monde en tombe d’accord ; cependant ce n’est pas une raison pour en conclure que l’imagination n’a pas chez nous ses grandes lettres de naturalisation ; qu’aimant les brumes du Nord, s’épanouissant au soleil de l’Espagne et de l’Italie, elle languit et s’éteint dans notre climat tempéré. Bien que l’esprit critique soit le fonds particulier de notre génie, l’imagination n’en a pas moins toujours eu en France son droit de cité, et souvent ses prospérités et ses triomphes. Eh ! de quel droit, après tout, ose-t-on dire que l’imagination et l’observation s’excluent, et qu’elles ne peuvent vivre côte à côte ! Ces deux facultés s’excluent si peu, qu’elles se complètent l’une par l’autre. La poésie et la critique sont les expressions différentes, non contradictoires, des choses de l’intelligence et de l’ame. Si l’une voit