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eurent lieu pour crime de haute trahison et de révolte ; un grand nombre d’individus furent déportés, et on condamna à plusieurs années de prison le célèbre démagogue Hunt, qui enflammait la populace par ses écrits et par ses harangues. Après le supplice de Thistlewood et de ses complices qui avaient conspiré l’assassinat de tous les membres du cabinet ; après les troubles que suscita, en 1821, à l’avènement de George IV, le déplorable procès de la reine, l’esprit révolutionnaire, constamment déjoué dans ses tentatives, parut enfin avoir épuisé ses forces et sa fureur ; lord Sidmouth l’avait vaincu par sa persévérance : suivant l’expression de George IV, il s’était montré le Wellington de l’intérieur. On doit comprendre qu’il n’avait pu obtenir un pareil succès sans s’exposer aux récriminations violentes des partis. Les whigs, quelque étrangers qu’ils voulussent paraître et qu’ils fussent en effet aux projets des niveleurs, n’avaient pas, à beaucoup près, donné leur approbation aux moyens adoptés pour les combattre : ils avaient énergiquement repoussé, comme autant d’atteintes portées aux vieilles libertés anglaises, les lois exceptionnelles et répressives votées pour assurer le maintien de la liberté publique ; ils n’avaient cessé de dénoncer à titre d’agens provocateurs les espions employés à découvrir les complots ; ils avaient surtout poursuivi des plus vifs anathèmes la dispersion violente et sanglante du grand rassemblement de Manchester, accusant les autorités locales d’avoir mis les troupes en mouvement sans avoir accompli les prescriptions rigoureuses exigées par la loi anglaise pour légitimer cette mesure extrême. Toutes ces attaques n’étaient sans doute pas dénuées de fondement : dans la guerre acharnée que le pouvoir avait à soutenir, il était moralement impossible que ses agens secondaires ne se laissassent pas emporter à quelques excès de zèle, et que le gouvernement lui-même, sans cesse assailli et outragé, ne manquât jamais aux lois de la modération. Si, malgré tant de provocations, le triomphe de l’ordre ne dégénéra pas en un système d’arbitraire et de terreur, il faut en faire honneur à l’excellence et à la force des institutions anglaises bien plus qu’à l’honnêteté personnelle et aux scrupules des dépositaires de l’autorité, garanties trop souvent insuffisantes, l’expérience l’a démontré, contre le double entraînement de l’esprit de parti et de la victoire.

Ce ministère tory si médiocre, et qui, en naissant, paraissait destiné à si peu de durée et de succès, comptait cependant quinze années d’existence ; il avait mis fin par une paix glorieuse à la guerre européenne ; il avait réprimé toutes les tentatives des anarchistes. Quelque grands que fussent ces résultats, il avait suffi, pour y arriver, d’un certain degré de volonté et de courage, parce que le cours naturel des choses y poussait presque fatalement. Le gouvernement anglais avait maintenant à accomplir une tâche plus difficile et plus délicate il s’agissait, après avoir