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appelait les associés) s’étaient livrés sur beaucoup de points aux plus déplorables excès ; le sang même avait coulé. Pour mettre fin à ces désordres, le ministère avait dû présenter au parlement plusieurs bills conçus dans la pensée d’aggraver certaines pénalités et d’attribuer temporairement aux juges de paix des pouvoirs extraordinaires. Ces bills avaient été adoptés ; dix-sept malheureux, convaincus, les uns de meurtre, les autres de pillage, avaient été envoyés à l’échafaud par le jury d’York, et les ouvriers, épouvantés, étaient à peu près rentrés dans l’ordre.

Le calme ne fut que momentané. Le rétablissement de la paix générale, salué par l’opinion comme le terme des souffrances publiques, ne justifia pas immédiatement cette espérance. On avait à traverser une de ces époques de transition qui compliquent au plus haut point la situation des gouvernemens en ajoutant des difficultés nouvelles à celles qu’ils n’ont pas encore eu le temps de faire disparaître. Les communications avec le continent se trouvant rétablies, on craignit qu’une trop grande importation de grains étrangers ne ruinât la propriété territoriale en avilissant tout à coup le prix que les produits agricoles avaient atteint pendant la guerre, et qui avait mis les propriétaires en état de supporter l’énorme accroissement des impôts. Un bill fut proposé pour obvier à ce danger en élevant les droits d’importation. Il passa dans les deux chambres, malgré l’opposition qui le repoussait comme contraire aux intérêts de la classe pauvre, dont il devait rendre la nourriture plus dispendieuse ; mais les discussions très vives auxquelles il donna lieu jetèrent une fâcheuse irritation dans les esprits, et la populace de Londres, à qui les agitateurs avaient persuadé qu’on voulait l’affamer, se porta à d’extrêmes violences. Le domicile de quelques-uns des défenseurs du bill fut assailli par des furieux, et lord Sidmouth dut recourir, pour réprimer ces excès, aux mesures les plus énergiques. Cela se passait au commencement de l’année 1815.

Bientôt les désordres prirent ouvertement un caractère qu’ils n’avaient pas eu d’abord, ou qui, du moins, s’était jusqu’alors dissimulé sous l’apparence de griefs et de vœux purement matériels. La destruction du gouvernement existant, l’établissement d’un régime nouveau fondé sur les bases les plus démocratiques, tel était le but auquel des conspirateurs répandus sur toute la surface de l’Angleterre s’efforçaient d’arriver au moyen d’une grande insurrection. Cette entreprise était insensée. Par sa nature même, elle répugnait trop à l’esprit, aux habitudes, aux traditions britanniques, pour qu’elle pût trouver faveur dans d’autres rangs que ceux de la plus basse populace guidée par quelques rêveurs obscurs ou par de misérables aventuriers ; il était impossible qu’une portion quelconque de l’opposition légale et parlementaire consentît à s’y associer, et que les classes élevées ou éclairées ne