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et qui souvent pouvaient, en se portant de l’un ou de l’autre côté, donner ou retirer la victoire.

Ce fut lord Hawkesbury, alors secrétaire d’état dans le ministère de Pitt, après l’avoir été dans celui d’Addington, qui se chargea, par ordre du roi, de négocier entre eux un rapprochement. Leur réconciliation se fit promptement et facilement. Comme leur présence simultanée dans la même chambre paraissait, après les combats qu’ils s’y étaient livrés, rendre plus difficile leur coopération, Addington consentit, non sans regret, à passer à la chambre haute sous le titre de vicomte Sidmouth ; il accepta aussi, pour que sa position privée fût au niveau de sa dignité nouvelle, la pension qu’il était d’usage d’accorder aux anciens orateurs des communes, et qu’il avait refusée dans d’autres circonstances ; enfin, il entra dans le cabinet en qualité de président du conseil. On sait que ce titre, en donnant à celui qui en est revêtu le premier rang honorifique, le laisse réellement en dehors des fonctions actives du gouvernement. Le plus marquant des adhérens d’Addington, lord Buckingham, fut nommé chancelier du duché de Lancastre. D’autres obtinrent des emplois inférieurs, et on promit de donner plus tard à leur ambition une satisfaction plus complète. Ces arrangemens furent terminés au mois de janvier 1805, sept mois seulement après la formation du ministère qu’on était si tôt obligé de modifier.

L’alliance de Pitt et de lord Sidmouth ne devait pas avoir une longue durée. Il n’existait pourtant entre eux aucune dissidence fondamentale sur les grandes questions de gouvernement, mais leurs rapports réciproques avaient été trop complètement faussés pour qu’il fût possible de les rétablir. Pitt, dans le sentiment hautain de sa force, voulait être le maître et se prêtait difficilement, au milieu des préoccupations que faisaient peser sur lui les grandes affaires de l’Angleterre et de l’Europe, aux ménagemens qu’eût exigés la susceptibilité de son collègue. Lord Sidmouth, si récemment encore chef du gouvernement, ne se résignait pas sans regret à une position secondaire. La conscience même de son infériorité personnelle lui rendait cette position plus pénible, parce qu’elle en était aux yeux de tous l’explication naturelle. Il eût voulu que sa rentrée dans le cabinet eût le caractère d’un événement politique, que son influence, son action, se montrassent au public, sinon comme égales à celles de Pitt, au moins comme distinctes. C’était la plus irréconciliable de toutes les rivalités, celle de la vanité contre l’orgueil. Soigneusement fomentée de part et d’autre par ces dangereux amis qu’on voit toujours empressés, dans les complications semblables, à aigrir les soupçons et les ressentimens de leurs patrons, il était presque impossible qu’elle n’aboutît pas bientôt à une rupture ouverte. En vain quelques hommes sages et bienveillans s’efforçaient de la prévenir : on peut concilier des opinions et des intérêts différens, on ne concilie pas