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comprendre qu’elle inquiète grandement tous les membres fidèles de notre église, tous ceux, j’en suis convaincu, qui, la considérant avec calme, reconnaissent qu’un tel changement renverserait inévitablement les bases de notre excellente et heureuse constitution, et nous ferait marcher exactement sur les traces de la révolution française.

« J’ai adopté ce moyen de faire connaître mes sentimens à l’orateur, parce que j’ai cru qu’il ne lui conviendrait pas que je l’appelasse auprès de moi, alors qu’il ne pourrait en faire connaître le motif ; mais, si cette déplorable mesure devait être en effet proposée, je me croirais autorisé, par la notoriété de l’événement, à mettre de côté toute étiquette et à demander à l’orateur de venir me voir. »

Cette lettre est caractéristique. Une traduction peut difficilement reproduire l’incorrection, le vague, le tour pénible des expressions qui y correspondent si bien à la confusion des idées. On sent, en la lisant, qu’elle est l’œuvre d’une intelligence affaiblie, incapable de gouverner, de coordonner ses propres impressions ; on sent que le malheureux roi, d’autant plus entier dans ses préjugés qu’il n’est plus en état de les raisonner, redoute par-dessus tout la fatigue et l’irritation d’une lutte dans laquelle il comprend que sa raison pourrait succomber.

Addington accepta la commission dont il se trouvait si singulièrement chargé. Il alla trouver Pitt et essaya de l’engager à renoncer à son projet. On ignore ce qui se passa dans cet entretien : il paraît qu’Addington crut avoir ébranlé la détermination de son ami, et que le roi partagea cette espérance ; mais ils ne tardèrent pas à apprendre que Pitt était résolu à se retirer, si son plan n’était pas adopté. Dès le 31 janvier, le roi annonça à Addington qu’il se proposait de le mettre à la tête d’un nouveau ministère. Le premier mouvement de l’orateur des communes fut de refuser. « Mettez la main sur votre cœur, lui dit le roi, et demandez-vous de quel côté je devrai me tourner pour trouver un appui, si vous ne voulez pas me donner le vôtre. » Quelque pressantes que fussent ces instances, Addington crut, avant d’y céder, devoir consulter Pitt lui-même, qui lui répondit : « Mon cher Addington, je n’entrevois que des désastres si vous hésitez. »

Le 1er février, le roi reçut enfin de Pitt la communication écrite qui établissait officiellement la position prise par cet homme d’état. Un billet de la main royale fut aussitôt envoyé à Addington pour l’inviter à se rendre au palais dès le lendemain. « Le roi, y était-il dit, le roi veut répondre sur-le-champ, ne pouvant supporter la pensée de laisser un homme qu’il aime et qu’il respecte dans un état de suspension aussi désagréable, alors que, sur le fond de la communication, l’opinion de sa majesté est formée de la manière la plus complète et la plus inaltérable. Le roi veut donc avoir l’avis de M. Addington sur la manière d’exprimer des sentimens qui sont certainement affectueux, bien que la