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et c’est à l’ardente sincérité avec laquelle il s’est montré réformiste qu’il doit la sympathie dont il a reçu encore de si vifs témoignages après les graves événemens qui ont éclaté il y a un mois et après la création de la garde nationale. Nous avons fait connaître les premiers et heureux résultats dus à cette institution, qui vient d’être l’objet d’un règlement que l’opinion publique, après quelques momens d’hésitation, a généralement approuvé. On a compris que toutes les garanties accordées à l’ordre et à l’autorité étaient autant de gages de la durée de l’institution. Cette garde nationale, si nouvellement organisée, manifeste non seulement beaucoup d’ardeur, mais un grand esprit de discipline. La police romaine est dirigée avec une habile modération par Mgr Morandi, qui réussit à effacer les fâcheux souvenirs de son prédécesseur. L’administration s’épure ; MM. Santucci et Sabattucci ont été destitués. S’il était vrai aussi que le duc Massimi Rignano et le prince Rospigliosi dussent être placés, le premier à la tête du département des finances, le second au ministère de la guerre, ce serait un grand pas vers la sécularisation. Enfin la convocation des députés des provinces est fixée au 5 novembre. On reconnaît que le choix du gouvernement est tombé, pour les deux tiers au moins des députés, sur les hommes les plus distingués des états du saint-siège. Seulement un bruit que nous croyons sans fondement a causé quelque inquiétude : on a prétendu que les députés convoqués pour le mois de novembre se réuniraient non pas dans une assemblée générale, mais par sections, ce qui fausserait entièrement l’institution nouvelle et produirait sur les esprits la plus mauvaise impression. On ne saurait donner de pire conseil au pape, qui, nous l’espérons, sera trop bien inspiré pour le suivre.

L’exemple de Rome n’est pas perdu pour le reste de l’Italie. Les provinces pontificales et la Romagne en particulier semblent vouloir rivaliser avec la métropole. A Bologne, les rôles de la garde nationale ont été complétés plus vite encore qu’à Rome. La milice se compose de six mille hommes. On s’occupe activement de l’organisation municipale. Les conseils provinciaux de la légation ont rédigé sur cette matière un projet qui a été présenté à Pie IX. Si Bologne est de toutes les villes des états romains celle qui sait le mieux conduire ses affaires, on se rappellera qu’elle a payé assez cher cette éducation politique. En Toscane, les populations appellent de leurs vœux les réformes qui s’accomplissent à Rome. On demande de tous côtés l’institution d’une garde nationale. Des pétitions se signent à Florence, à Pise, à Livourne, à Pistoja. La Toscane met son espoir dans la prudence et la modération du grand-duc, et, il y a peu de temps, elle trouvait la preuve de ses dispositions bienveillantes dans un motu proprio qui, par une singulière coïncidence, a été affiché à Florence le jour même où paraissait une notification du duc de Lucques, empreinte d’un esprit peu libéral. Dans cette pièce, le duc de Lucques invoquait la plénitude des droits que lui avaient légués ses aïeux, et se déclarait l’adversaire de toute tentative de réforme, jetant ainsi un défi maladroit à l’opinion publique. Le bon sens des Lucquois n’a répondu que par le silence à cette malencontreuse manifestation.

Le souvenir de l’Italie et du pontife qui travaille à sa liberté a été évoqué, ces derniers jours, aux applaudissemens de la jeunesse française, par M. le ministre de l’instruction publique, dans une solennité qui tous les ans ramène la pensée sur les plus graves intérêts, car il s’agit de l’éducation nationale et des progrès tant intellectuels que moraux des générations qui doivent nous succé-