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intervention ne serait pas repoussée par toutes les puissances. L’acte du congrès de Vienne reconnaît l’existence des vingt-deux cantons, et il est facile d’appliquer cette clause soit à l’étendue territoriale de chacun d’eux, soit à leur indépendance politique. Les puissances qui ont garanti l’existence des vingt-deux cantons et reconnu la neutralité de la Suisse dans un intérêt de paix générale et d’équilibre européen ont droit de surveiller la crise actuelle. L’interprétation du pacte fédéral dans la diète peut devenir une interprétation des traités et porter une grave atteinte aux garanties nécessaires à la paix de l’Europe, et que les puissances, en 1815, avaient eu soin d’établir.

Le principe de non-intervention est limité comme toutes les choses de ce monde : il y a en politique des nécessités qui dominent tout. Malgré le principe proclamé, la France et l’Angleterre ne sont-elles pas intervenues dans les affaires d’Espagne ? L’Angleterre, en 1840, n’est-elle pas intervenue, en son nom et au nom de trois autres puissances, dans les affaires d’Orient ? Précédemment, la France n’était-elle pas intervenue en Belgique ? Enfin, les troupes autrichiennes n’étaient-elles pas entrées en Italie, et les Français ne s’étaient-ils pas emparés d’Ancône ? Ces faits de guerre ont été basés sur le droit que les plus prochainement intéressés auront toujours de se mêler d’une question extérieure. On ne peut pas regarder la perturbation, l’anarchie, le sang versé sur les frontières, sans chercher à les comprimer s’ils se prolongent. L’homme le plus paisible, et qui aime le moins à prendre part aux affaires de ses voisins, empêchera cependant qu’un d’entre eux ne mette le feu, volontairement ou par imprudence, à la maison qu’il habite. Les affaires, la situation politique de l’Espagne, de la Belgique, ne pourront jamais être indifférentes à la France. L’Italie intéressera toujours directement l’Autriche. De même les troubles de la Suisse peuvent devenir des motifs de déterminations graves de la part des puissances qui l’entourent. Encore ne parlé-je pas de Neufchâtel, dont la position exceptionnelle semble pourtant donner à la Prusse, en cas de collision, un droit direct et incontesté.

J’indique ces considérations parce que je crois malheureusement à la prochaine explosion de la guerre civile en Suisse. Cette chance me paraît la plus probable, car les meneurs radicaux ne peuvent guère s’en passer pour soutenir leur crédit. Ils ont besoin d’entretenir et d’exciter le feu des passions au milieu du désordre qui s’est partout introduit dans les finances publiques et des scandales que leur domination a fait naître. Il leur faut jeter à l’esprit public les sombres préoccupations de la guerre. Cette pensée éclatait sur le front de M. Ochsenbein, lorsque l’ouverture de la diète se fit, le 5 juillet, dans l’église du Saint-Esprit. M. Ochsenbein caressait avec coquetterie son énorme moustache blonde, plutôt en officier des corps francs qu’en premier magistrat d’une confédération