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petite communication. On a beaucoup dit cette année, et avec juste raison, que la France ne produisait pas assez de subsistances pour sa population, qu’il fallait encourager par tous les moyens les progrès de l’agriculture, la mise en culture des terres en friche, la production du bétail et celle du blé. Pour en venir là, le plus sûr moyen est de faire des chemins. Les cantons pauvres de la France, ceux où l’agriculture est le plus arriérée faute de capitaux et de débouchés, manquent presque complètement de voies de communication. Les chemins de petite vicinalité sont surtout dans un état déplorable ; ces chemins sont pourtant ceux qui servent directement à la culture. Il y a évidemment une mesure à prendre pour en presser l’exécution. Cette année, M. le ministre de l’intérieur a demandé, en considération de la disette, un fonds extraordinaire de secours pour les travaux des communes. Puisque ce fonds a paru au budget, il est à croire qu’il n’en disparaîtra plus.

En général, l’attention de la chambre et du gouvernement paraît se porter sur les populations rurales, dont la condition est particulièrement digne d’intérêt. On a beaucoup fait pour la population des villes, très peu pour celle des campagnes. C’est cependant la population des campagnes qui est la force de la France, elle forme les deux tiers de la population totale, elle en est en même temps la partie la plus virile, la plus morale, la plus laborieuse. On ne saurait trop s’appliquer à lui fournir des instrumens de travail, à lui faciliter l’accès des capitaux et les moyens d’améliorer sa condition. Nous avons parlé des chemins vicinaux, c’est là sans doute le plus grand des progrès à atteindre ; mais il y en a d’autres dont la chambre s’est occupée cette année, et qui n’ont été ajournés que par esprit d’économie. Dans ce nombre se trouve l’augmentation du traitement des desservans et de celui des instituteurs communaux. Non-seulement l’augmentation de ces modestes traitemens aura pour résultat de rendre meilleur le sort des pauvres prêtres de campagne et des pauvres maîtres d’école, mais elle répandra dans les plus humbles communes un peu plus d’argent, elle contribuera à reporter dans les campagnes une portion du numéraire qui dans l’état actuel des choses tend toujours à en sortir ; elle fera pénétrer un bien-être relatif dans deux habitations par commune, et elle donnera ainsi des exemples et des objets d’émulation qui ne seront pas perdus.

La commission du budget et avec elle la chambre ont donné aussi de grands encouragemens à un projet mis en avant par le congrès d’agriculture, et qui consiste à établir dans chaque département une ferme-école pour la formation de maîtres-valets exercés. Cent mille francs ont été votés, dès cette année, pour commencer la fondation de ces fermes-écoles. Cent mille francs, c’est bien peu, si le principe est bon. On évalue à 10,000 francs par an la dépense de chacune de ces fermes ; on ne pourra donc en établir que dix avec le crédit voté. Ce n’est pas assez pour produire un effet sérieux. A notre avis, il devrait y avoir le plus tôt possible une ferme-école par arrondissement. Un crédit de 3 millions porté au budget de 1849 suffirait pour cette création féconde. Sept ou huit mille élèves pour toute la France, ce n’est pas trop, car il ne s’agit de rien moins que de former des travailleurs. Tout le monde sait que ce qui manque le plus en France, c’est une bonne pépinière d’ouvriers agricoles qui combattent, par leur exemple et par leurs bras, les anciennes routines, et qui sachent tirer un meilleur parti de la fertilité de notre sol.

Même au point de vue du trésor, ce qu’il y a de mieux à faire, encore un coup,