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l’Angleterre fait pour les siens. Nous savons trop quelle profonde différence sépare l’instinct jaloux des démocraties de la largesse intéressée des pays aristocratiques. Nous voudrions seulement que la France se montrât juste et reconnaissante envers ceux qui la servent. L’année dernière, une ordonnance du roi a créé en France un conseil privé dont devaient faire partie tous les hommes éminens par leurs services. Cette institution existe de droit, mais elle n’a point encore été réalisée en fait. La dernière chambre des députés s’est montrée peu disposée à voter les sommes nécessaires pour le traitement des ministres d’état. Le gouvernement a craint un échec, et il n’a pas porté la dépense au budget. Aujourd’hui que la chambre présente une majorité conservatrice si considérable, il nous semble que le gouvernement aurait tort d’attendre plus long-temps. Le moment est venu, s’il doit venir jamais, de tenter, l’entreprise. De récens et tristes exemples en montrent l’utilité, et tout permet d’espérer que les sentimens d’envie ne prévaudront pas cette fois contre le bon sens et la justice. La dépense en elle-même est bien peu de chose : avec 2 ou 300,000 francs par an, la France donnerait une retraite honorable et sûre à ceux qui auraient bravé, pour la servir, les fatigues, et les déceptions du pouvoir. Elle n’aurait plus le pénible spectacle de ces arrangemens personnels que tous les ministres sortans sont plus ou moins obligés de faire pour se réserver une position. Elle pourrait légitimement exiger des hommes publics un désintéressement absolu, car elle aurait pourvu d’avance à leurs besoins :

En jetant un dernier regard sur les affaires intérieures telles que les laisse la fin de la session, on peut reconnaître que la situation financière s’est améliorée. La chambre des députés a fait ce qu’elle a pu pour rétablir l’équilibre entre les dépenses et les recettes ; elle a voté l’emprunt, elle a réduit les dépenses des travaux publics, et, sous ce dernier rapport, elle a montré, à notre avis, une prudence exagérée ; elle a cherché à rétablir le crédit menacé des principales entreprises de chemins de fer. Grace à la récolte, qui est décidément bonne partout, la crise alimentaire finit ; il est permis d’espérer que la crise financière va finir aussi, grace aux mesures prises d’un commun accord par le gouvernement et par la chambre. On a pourvu aux nécessités du présent, c’est maintenant au gouvernement de préparer l’avenir. On assure que M. le ministre des finances se montre très préoccupé de sa tâche, très inquiet de sa responsabilité ; c’est là une bonne disposition pour un ministre. L’intervalle des sessions sera pour lui d’autant plus laborieux, qu’il a à s’occuper à la fois des dépenses et des recettes de l’état ; il ne peut échapper à la nécessité d’augmenter les unes, car tous les jours de nouveaux besoins se font sentir, et il faut, en même temps, qu’il remanie les autres, car les votes de la chambre lui en font une loi. Le problème est difficile, comme on voit ; nous ne croyons pas qu’il soit insoluble.

Parmi ces dépenses, il n’y a pas, quoi qu’on en dise, le moindre danger à accroître celles qui sont productives ; au contraire, l’état se doit à lui-même de faire tous ses efforts pour finir au plus vite les chemins de fer et les canaux commencés de toutes parts. Outre les chemins de fer et les canaux, d’autres travaux encore sont indispensables. Il est, par exemple, tout un ordre de communications dont les résultats sont au moins comparables à ceux des chemins de fer, proportionnellement à la dépense qu’ils occasionnent, et qui n’ont eu jusqu’ici que des allocations insuffisantes : nous voulons parler des chemins vicinaux de grande et de