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ordinaire de la locomotion à vapeur. Ce que nous venons de dire s’applique également au rail-way atmosphérique de Londres à Croydon, qui fut établi, deux ans après, en Angleterre. Après maintes vicissitudes de tous genres, et bien qu’on ait prétendu que l’exploitation, dès le début, coûtait 22 pour 100 de moins qu’avec des locomotives[1], ce chemin est, dit-on, sur le point d’être démonté. Il présente du reste une particularité que nous ne devons pas passer sous silence, et qui forme un véritable contraste avec le fameux tunnel de la Tamise : c’est un gigantesque viaduc qui traverse, entre Norwood et Croydon, les deux rail-ways ordinaires de Douvres et de Brighton.

Comme il arrive souvent en pareille circonstance, MM. Clegg et Samuda n’avaient pas commencé par ce qu’il y avait de plus simple. Primitivement le mastic destiné à compléter la fermeture de leur soupape était un mélange de cire et de suif, et, pour en maintenir l’indispensable fluidité, un réchaud d’un mètre de longueur, rempli de charbons incandescens et fixé à la tige directrice, glissait avec le piston le long du tube. Ce moyen incommode était aussi, à beaucoup d’égards, insuffisant. Le mastic se gelait en hiver, se liquéfiait en été, et finalement donnait issue à l’air atmosphérique. Plus tard, à Croydon, le réchaud fut supprimé, et on fit usage d’une graisse, — analogue à celle employée aujourd’hui au chemin atmosphérique de Saint-Germain, — et composée d’huile de phoque, de cire végétale, de caoutchouc et d’argile. Malgré les perfectionnemens successifs dont elle a été l’objet, la soupape Samuda laisse s’opérer des fuites considérables[2]. Si donc cette soupape est supérieure à toutes celles qui avaient été proposées d’abord, elle est encore très peu satisfaisante ; aussi de nombreuses tentatives ont-elles été récemment faites pour la remplacer. Un habile constructeur d’Arras, M. Hallette père, avait proposé de fermer la rainure longitudinale des tubes au moyen de ce qu’il appelait des lèvres pneumatiques, c’est-à-dire de deux tuyaux contigus flexibles et gonflés avec de l’air comprimé, que la tige du piston aurait écartés sans effort et qui se seraient aussitôt rejoints. Cette idée séduisante a paru avoir contre elle l’impossibilité de fabriquer des tissus assez solides pour opérer la fermeture sans s’user très rapidement. M. Crelle décrit deux soupapes également sans mastic, dont il est l’inventeur, mais qui n’ont point été expérimentées. Enfin un de nos industriels, M. Hédiard, reprenant un procédé indiqué par l’ingénieur Pinkus, et le modifiant heureusement, emploie deux lames d’acier formant ressort, convenablement maintenues en contact et recouvertes d’un cuir gras qui complète la fermeture. La tige du piston, taillée en coin

  1. Les avis étaient fort partagés, car nous lisons à ce sujet dans une enquête anglaise :
    « Demande. — Si le principe atmosphérique venait à échouer, ou bien si, par le résultat de l’expérience, il n’avait pas plus de succès qu’en ce moment, ce que je croirais pouvoir prendre la liberté de nommer un échec complet, s’il restait dans l’état où il se trouve à l’égard de l’exploitation artistique, continueriez-vous à demander l’application du système atmosphérique sur la ligne d’Exeter ?
    « Réponse. — Très positivement, oui. »
    Un chemin atmosphérique se construit en effet d’Exeter à Devonshire sur une longueur de 35 kilomètres, dont 21 sont déjà exécutés. Nous n’avons pas de données sur les circonstances du tracé de cette nouvelle ligne.
  2. A Saint-Germain, si on épuise l’air du tube de propulsion jusqu’à un tiers d’atmosphère, il ne faut pas plus de cinq minutes pour que la totalité de l’air soit rentrée.