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Palo-Alto et de la Resaca ? Comment expliquer aussi l’inaction prolongée de Santa-Anna, ces échecs successifs qui accusent en lui la plus déplorable ignorance des lois de la stratégie ? La trahison aurait-elle eu pour le Mexique des conséquences plus désastreuses que celles-ci : en moins de deux mois (du 23 février au 18 avril 1847), trente mille hommes tués ou dispersés, le chemin de la capitale ouvert et aplani devant les envahisseurs ! Qu’il faille s’en prendre de ces immenses revers à l’impéritie ou à d’incroyables machinations, on ne peut méconnaître ici l’intervention d’un mauvais génie qui dissipe en des opérations sans but, en des luttes stériles, toutes les richesses, toutes les forces vives du pays. Comment formuler toutefois un jugement sur un homme dont la vie n’est qu’une suite de contradictions et d’inexplicables caprices ? Devant le peuple qui accuse de trahison le vaincu d’Angostura et de Cerro-Gordo, devant le congrès qui s’obstine à voir en lui le sauveur de la république, devant l’armée toujours dispersée sous lui, toujours fascinée par un prestige que rien ne justifie, on comprend que l’opinion hésite ; on se refuse également à formuler une accusation accablante et à s’attendrir sur une gloire déchue. Triste alternative pour une nation malheureuse, qui n’a jusqu’ici trouvé parmi ses enfans ni un bras assez fidèle ou assez fort pour l’étayer, ni au dehors une voix pour la plaindre !

Les Américains ne sont plus qu’à quelques lieues de Mexico. Tout sera-t-il fini avec le traité qu’ils dicteront au gouvernement qui siége aujourd’hui dans la capitale de la république ? Si même, comme on n’en peut douter, les provinces convoitées par l’Union américaine tombent entre les mains des Yankee, la période d’installation ne sera-t-elle pas pour eux, aussi sanglante, aussi désastreuse que la période de conquête ? Quoi qu’il en soit, les avantages entrevus par l’Union sont assez grands pour lui faire supporter patiemment de nouveaux sacrifices. Le vaste territoire qu’elle aura payé d’un peu d’or et de sang sera tôt ou tard incorporé à cette puissante république, qui tient aujourd’hui dans ses mains les destinées d’une partie du Nouveau-Monde. Sans nous égarer dans d’inutiles hypothèses sur les phases nouvelles où peut entrer la lutte engagée entre les États-Unis et le Mexique, nous ne nous attacherons qu’aux faits qui ressortent avec évidence de ce récit. Les projets des Américains, tels qu’ils se révèlent par leur plan de campagne, menacent-ils les intérêts de l’Europe ? Y a-t-il encore dans la nation mexicaine des élémens d’ordre et de stabilité dont on puisse profiter pour faire obstacle à ces projets ? Telle est la double question à laquelle la marche des faits conduit naturellement.

Il ne faut ni diminuer, ni exagérer les prétentions que les Américains soutiennent en ce moment les armes à la main. Ne voir dans la guerre actuelle que la conséquence du différend sur les limites du Texas, ce serait