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de riflemen, d’un détachement d’infanterie et d’artillerie, Harney ne tarda pas à atteindre le sommet du cerro ; mais, une fois là, le plus difficile restait à faire : il fallait emporter cette position sous le feu croisé des deux hauteurs voisines. Cet avantage fut chèrement acheté. Un canon de gros calibre qu’on parvint à hisser sur le cerro vers minuit permit enfin aux soldats de Harney de répondre à l’artillerie qui les décimait, et les Mexicains renoncèrent à disputer plus long-temps la position qui venait de leur être arrachée. Bientôt un silence complet succéda au bruit de la canonnade. Les Américains en avaient assez fait pour ce jour-là. Les deux armées passèrent la nuit dans une égale inaction.

Le lendemain 18, le général Twiggs reçut l’ordre d’abandonner la position que Harney avait emportée la veille pour attaquer une colline d’un accès plus difficile encore, celle même qui avait donné son nom au passage, le Cerro-Gordo. La tâche d’occuper le dernier des trois cerros qui s’élevaient à la droite de la route fut confiée au général Worth. Le général Shields eut pour mission d’emporter la tranchée défendue par don Romulo de la Vega. Enfin le général Pillow, commandant la quatrième brigade américaine, devait chasser l’ennemi des autres collines qu’il occupait. Le plan de la bataille comprenait ainsi quatre opérations qui devaient être exécutées simultanément.

C’était au général Twiggs, un des vétérans de l’armée américaine, qu’avait été dévolue la plus périlleuse de ces quatre opérations, l’attaque du Cerro-Gordo. Si la pente du cerro, très rapide et tapissée d’épaisses broussailles, n’avait pas été à l’abri du feu des canons, il eût fallu s’attendre, en la gravissant, à une destruction complète. Cependant, à défaut du canon, la mousqueterie pouvait faire de grands ravages dans les rangs des Américains. La nature du terrain inégal et crevassé secondait merveilleusement les efforts des tirailleurs ennemis. Le colonel Harney fut encore chargé de conduire les Américains au feu, et ce fut à leur tête que, sans blessure aucune, malgré sa taille gigantesque, il arriva sur le plateau. Une résistance vigoureuse accueillit Harney et les soldats qu’il avait entraînés par son exemple. Les canonniers mexicains se firent tuer sur les pièces qu’ils n’avaient pas eu le temps de décharger. On se battit comme à l’abordage, c’est-à-dire le couteau et le sabre en main. Officiers et soldats luttaient pêle-mêle et tombaient confondus. Le général mexicain Vasquez fut tué, un grand nombre de ses soldats moururent comme lui à leur poste ; le reste se lança sur un des talus les moins rapides du cerro, et battit en retraite du côté de la route. Les Américains, maîtres des batteries ennemies dont les pièces étaient bourrées jusqu’à la gueule avec cette brutalité de charge particulière aux Mexicains, tournèrent ces canons contre les fuyards, et bientôt le glacis fut jonché de morts.