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VII.

La prise de Vera-Cruz marque le commencement d’une nouvelle période dans la guerre étrange dont nous venons de retracer les principaux incidens. Déjà, dans trois actions capitales, à Palo-Alto, à Monterey, à Buena-Vista, les Mexicains avaient éprouvé des échecs trop significatifs pour que l’issue de la guerre restât désormais douteuse. Cependant ce n’était pas assez d’avoir pu occuper militairement les plus riches provinces du Mexique, ce n’était pas assez d’avoir remporté des victoires éclatantes : il fallait diriger les opérations vers un but précis, resserrer le plus possible le cercle formé autour du gouvernement mexicain. Rien, en effet, ne serait fini, tant qu’il resterait à ce gouvernement une voie pour s’échapper, une place pour se débattre. Il fallait donc marcher sur Mexico ; il fallait porter la terreur dans la capitale de la république pour arracher aux chefs d’un état placé près de sa ruine les concessions qui devaient terminer la guerre. Tandis que dans les provinces déjà occupées on continuait d’appliquer le système suivi par Taylor, en menant de front les opérations militaires et la colonisation, une nouvelle tactique allait être essayée dans la partie du Mexique comprise entre Vera-Cruz et Mexico. Il y avait là, non point une entreprise de colonisation à préparer, mais une courte et décisive campagne à faire. Il s’agissait d’arriver le plus promptement possible à Mexico. C’était au général Scott qu’appartenait le soin de diriger cette nouvelle série d’opérations. La campagne qu’il a commencée n’est pas terminée encore ; déjà cependant il est permis d’en présager l’issue. Le récit du combat où une dernière fois l’armée de Santa-Anna et l’armée américaine se sont trouvées en présence va le prouver.

A peine entrés à Vera-Cruz, les Américains durent se mettre en mesure de continuer la marche périlleuse dont cette ville marquait la première étape. Vera-Cruz est une conquête qu’il est impossible de garder long-temps. Bien qu’habituellement le vòmito ou fièvre jaune ne sévisse qu’au commencement de la saison des pluies, c’est-à-dire en juin, il suffit de la présence d’un grand nombre d’étrangers pour hâter l’apparition du fléau. Or, vingt mille hommes campaient tant dans les églises de Vera-Cruz qu’autour de la ville. Ces soldats avaient passé brusquement des fatigues du siège à une vie presque inactive. Ils mangeaient, buvaient avec excès, et de longues promenades datas les rues de la cité conquise remplissaient les heures qu’ils ne donnaient pas aux plaisirs de la table. On comprend que bientôt les hôpitaux furent encombrés de malades. Les bulletins sanitaires avaient, il est vrai, caché le nom du fléau ; mais les ravages qu’il causait le faisaient assez reconnaître. Aussi l’armée américaine reçut-elle avec la plus vive satisfaction