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la hauteur. A ce moment aussi, le général Romero, parti pendant la nuit pour attaquer les postes américains, parvenait à gagner, avec ses six cents cavaliers, un point élevé appelé le Topo-Chiquito. Voyant ses compatriotes lâcher pied, il hésita ; puis, d’après ses propres expressions[1], croyant la ville perdue, il resta devant l’ennemi en simple spectateur, et prêt à prendre, au cas où la place serait emportée, le chemin de Saltillo[2]. La journée du 22 se termina par ce premier succès des Américains.

Le 23, une artillerie supérieure à celle de la citadelle garnissait le cerro del Obispado. Bientôt battue en brèche, la citadelle cessa ses feux ; les redoutes de la Teneria et du rincon del Diablo étaient trop éloignées pour être désormais à craindre, et Taylor dirigea l’attaque contre la ville même. Depuis le matin, Monterey n’avait pour ainsi dire plus de chefs. Le général de cavalerie Romero restait, ainsi qu’on l’a vu, spectateur indifférent du combat sur la hauteur du Topo. Ampudia, le général en chef, et le commandant de l’artillerie Requena, saisis d’une incroyable terreur panique, s’étaient retirés dans les caveaux funéraires de la cathédrale de Monterey, laissant les soldats livrés à eux-mêmes. Cependant une résistance vigoureuse accueillit l’armée américaine à son entrée dans la ville. Les rues, les terrasses des maisons et des couvens devinrent autant de places qu’il fallut forcer. Le triomphe des Américains devenait à chaque pas plus difficile, et d’autant plus dangereux qu’ils s’avançaient davantage au cœur de la place, quand un parlementaire, envoyé par Ampudia, se présenta au général Taylor. Il ne pouvait arriver plus à propos ; aussi les offres d’Ampudia furent-elles agréées après quelques minutes de discussion. Un armistice de deux mois demandé par Ampudia fut accepté ; il fut stipulé de plus que la garnison sortirait avec tous les honneurs de la guerre. Taylor eût accordé peut-être plus encore s’il l’eût fallu. Dans les deux pays, on se méprit également sur la portée de ce dénoûment imprévu. Ampudia proclama, avec une superbe arrogance, que les annales militaires du Mexique comptaient une page glorieuse de plus, et à Mexico on crut Ampudia sur parole. Le général Taylor, de son côté, se garda bien d’avouer que la prudence lui avait interdit de profiter plus largement de sa victoire, en présence du découragement trop visible de son armée. Aussi la fougueuse démocratie américaine, sans tenir compte à Taylor d’avoir transformé en victoire une défaite presque certaine, lui enjoignit-elle bientôt de rompre la trêve convenue.

Maîtres de Monterey, les Américains n’étaient rien moins que tranquilles ;

  1. Diario del Gobierno de la republica mexicana, 30 septembre 1846.
  2. Saltillo, ville à vingt-cinq lieues de Monterey, était le point de ralliement indiqua par Ampudia à ses troupes en cas de retraite. De là on devait se diriger sur le quartier, général de San-Luis Potosi, où Santa-Aura allait arriver.