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des armées mexicaines. Puis, après avoir répondu, avec cette facilité d’élocution qui le caractérise, aux harangues du général Salas et de tous les pouvoirs religieux et judiciaires, le libérateur se dirigea vers la cathédrale, où de nouveaux honneurs l’attendaient encore, et se retira enfin dans son palais de Tacubaya. La journée se termina par des illuminations et par des réjouissances où se montrèrent une fois de plus cette insouciance, ce goût du plaisir, particuliers au peuple des tropiques. Qu’aurait fait de plus pour un roi cette multitude, qui, sous le régime républicain, garde encore des instincts monarchiques ?

Le premier moment d’effervescence passé, le général en chef des armées mexicaines, tout entier aux soins de sa santé et aux plans de son ambition, sembla rentrer dans l’inaction la plus complète. On comprend toutefois que cette inaction ne pouvait durer. Le poids des affaires était un lourd fardeau pour le général Salas, qui n’avait pas la force nécessaire pour le porter dignement. Quoique le gouvernement de Washington eût encore une fois parlé de la paix, le Mexique avait refusé d’ouvrir les négociations avant l’entrée en session du nouveau congrès, fixée au 6 décembre 1846. Pendant ce temps, l’invasion faisait des progrès qui, lents encore, n’en étaient pas moins redoutables. Le général don Pedro Ampudia, qui avait remplacé Arista dans le commandement de l’armée des frontières, écrivait que les Américains, laissant garnison à Camargo, s’avançaient au nombre de 6,000 vers Monterey. Le Nouveau-Mexique avait été envahi par 3,000 hommes, et le gouverneur Armijo s’était vu forcé de se retirer à Paso del Norte ; le port de San-Blas était bloqué, la Californie attaquée. Un décret du général Salas appela aux armes tous les Mexicains de seize à cinquante ans, et fixa à 30,000 hommes le contingent des divers états. Une milice nationale, composée du rebut de la population, se forma à Mexico même, en conséquence d’un autre décret, qui introduisait ainsi au cœur de la capitale un ennemi bien plus à craindre que l’ennemi extérieur. Restait à se procurer l’argent nécessaire pour entrer en campagne. Les offres patriotiques faites par les citoyens des divers états étaient plus pompeuses qu’efficaces. Tous les regards commencèrent donc à se tourner de nouveau vers Tacubaya, où Santa-Anna ; toujours malade, continuait de rester inactif en apparence, quand on apprit qu’il venait d’emprunter sur ses biens personnels l’argent nécessaire à la mise en campagne de la brigade de réserve retenue à Mexico. Cette brigade se trouva ainsi prête à partir. Dans un élan d’enthousiasme, le journal du gouvernement opposa cette noble conduite du général à la tiédeur des autres citoyens riches, et leur conseilla sous une forme toute bienveillante de s’exécuter comme Santa-Anna, de peur que le peuple souverain, justement irrité de cet égoïsme, n’allât s’emparer de leurs coffres-forts pour les porter aux soldats défenseurs de la patrie. Il n’était pas