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les rations de vivres nécessaires jusqu’au 14 du mois, que les munitions étaient insuffisantes pour une défense de plus de trois heures, que le temps et l’argent manquaient pour fortifier la place, que, la démoralisation étant générale, on ne pouvait compter sérieusement sur aucun des corps de l’armée, et qu’enfin la division était destinée à mourir de faim ou sous les coups de l’ennemi. Après avoir ainsi sonné l’alarme, on commença à traiter de l’échange des prisonniers. Quant aux blessés, Taylor avait offert de les rendre sans compensation. Ces derniers, au nombre de soixante-dix, devaient se trouver à Matamoros à six heures du matin. Taylor tint sa promesse, et cependant, le croira-t-on ? ces malheureux restèrent sur la rive droite du Rio-Bravo sans secours, sans soins, exposés onze heures de suite aux averses torrentielles des pluies tropicales, avant qu’on pût les installer dans les hôpitaux ; encore plusieurs passèrent-ils toute la nuit et la journée du lendemain transportés d’hôpital en hôpital. Cette même journée et la suivante furent consacrées d’un commun accord par les deux parties belligérantes à de paisibles négociations. Les pourparlers se succédaient sur les deux rives du fleuve comme entre de bons voisins réunis pour causer de leurs affaires. En réalité, la retraite des Mexicains était résolue, et il ne restait plus qu’à sauver les apparences.

Le 17, à sept heures du matin, un second conseil de guerre s’assembla. Le général en chef Arista prit la parole, et, après avoir insisté encore sur l’état lamentable de la place, il conclut en disant qu’il désirait connaître le sentiment de ses officiers, bien que les lois militaires le laissassent libre de suivre ou de rejeter les avis des officiers-généraux réunis en conseil. Le colonel Uraga, jeune officier plein de courage et que la calomnie n’épargna pas malgré sa brillante conduite, parla le premier comme le plus jeune. Il fut d’avis de tenir bon jusqu’à la fin ; les généraux Morlet, Jauregui, Garcia et Torrejon se rangèrent de cette opinion ; mais Requena et Ampudia furent d’avis de demander une suspension d’armes à l’ennemi, et terminèrent en disant que la place n’était pas tenable. Le général Ampudia proposa en outre d’envoyer au camp américain le commandant d’artillerie Requena porteur de propositions de trêve comme l’officier le plus capable de remplir une mission si délicate. Le général en chef approuva la motion, et ajourna toute décision jusqu’au retour de l’envoyé. Requena partit donc avec des instructions que sur sa demande on voulut bien lui donner par écrit. On demandait au général Taylor un armistice d’un mois. Requena, parti à onze heures, était de retour à midi avec une réponse négative ; le général américain lui avait déclaré en outre qu’il passerait le Rio-Bravo dans l’après-midi même.

Ce refus était prévu ; en demandant l’armistice, le général Arista avait voulu seulement faire en apparence un dernier effort avant de se