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Américains, isolés comme ils l’étaient et cernés par des troupes supérieures en nombre, se seraient trouvés dans une position critique d’où probablement ils ne seraient pas sortis à leur honneur.

Le plan du général Arista semblait donc tracé d’avance, et l’état déplorable de son pays ne lui permettait pas de reculer devant une opération décisive. Le trésor public était vide, et, pour établir une sorte d’équilibre entre les dépenses et les recettes, le président Paredes venait de rendre un décret en date du 7 mai, portant que toutes soldes, paies journalières, pensions ou gratifications à la charge du trésor public, seraient réduites d’un quart ; il n’exceptait de cette mesure que les officiers, soldats ou employés militaires en activité de service. Le décret de Paredes était dicté par une nécessité impérieuse, car le blocus du golfe par l’escadre américaine diminuait ou, pour mieux dire, anéantissait presque les seuls revenus de l’état. Un fléau intérieur était venu d’ailleurs se joindre à l’invasion. L’état de Yucatan se séparait de Mexico ; le général Alvarez allumait une guerre sociale, une guerre de castes dans l’état d’Acapulco et en désarmait les ports, dont il vendait les canons aux Américains. Les Indiens bravos (sauvages), rompant leur trêve, sortaient en masses de leurs déserts. L’état de Zacatécas avait été envahi par des hordes furieuses qui étaient venues enlever des chevelures jusque sur la grande place de sa capitale. Celui de Sonora était à feu et à sang. Les Apaches avaient envahi le village d’Oputo, où ils avaient massacré cent trente-deux personnes. De là ils s’étaient avancés jusqu’au préside le plus voisin de la frontière qu’ils avaient tenu assiégé pendant cinq jours. Il est bon d’ajouter que ces mêmes Apaches, qui jusqu’alors n’avaient fait usage que d’arcs, de flèches et de macanas (casse-tête), étaient uniformément vêtus de casaques de drap bleu à paremens rouges, avec des coiffures militaires, et pour la première fois armés de carabines. Ce fait rappelait trop clairement les invasions indiennes qui avaient assailli les premiers colons mexicains du Texas ; il démontrait que, cette fois comme alors, ces bandes sauvages servaient d’avant-garde formidable aux colons des États-Unis. Enfin, tandis que les tribus indiennes des déserts de l’ouest attaquaient l’état de Sonora sur ses frontières, les nations indiennes de l’intérieur, excitées par le parti des Gandaras, une des deux familles qui s’y disputent la préséance, commettaient au cœur même de cet état mille atrocités. Les Hiaquis tenaient garnison à Guaymas même, les Pimas à Uris, les Opatas à Hermosillo. Les bois étaient remplis de fugitifs qui cherchaient à se soustraire aux poursuites des Indiens et aux proscriptions des Gandaras. Tous les maux semblaient assaillir le Mexique à la fois.

Une telle situation faisait un devoir, nous le répétons, au général Arista de compléter bientôt par un mouvement décisif l’effet de la première manœuvre exécutée si heureusement par Torrejon. L’armée américaine,