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l’influence est devenue propice depuis, et on n’a plus rien dit. Est-il nécessaire de démontrer ce qu’il y a d’étrangement méprisant pour le sentiment public et de périlleux dans l’existence de ce pouvoir occulte qui est parvenu à dominer tous les conseils, à se mettre au-dessus des ministres responsables ? On a eu souvent l’occasion de remarquer combien la politique en Espagne est mélangée de caprices, de passions vulgaires, d’entraînemens personnels ; en voilà un frappant exemple qui se manifeste par une scission publique au sein de la famille royale, et en vérité ce n’est point au roi qu’on peut imputer une telle situation, qui, nous le craignons bien, deviendra sans issue. Que cette situation ne soit pas d’une parfaite dignité pour cette triste influence dont nous parlions, et qui a un nom fort connu à Madrid, cela importe peu ; mais ce qui est véritablement affligeant, c’est de voir cette dissolution du pouvoir sous toutes ses faces. Quinze ans de guerre civile n’ont point altéré le sentiment monarchique, qui est si vivace en Espagne ; pense-t-on qu’il résiste long-temps au spectacle décourageant qui est donné en ce moment au pays ? Croit-on qu’une royauté qui publie sa faiblesse puisse conserver le respect d’un peuple ? La reine Isabelle a été pour la Péninsule le symbole de grandes espérances : elle avait devant elle le plus beau rôle qui puisse échoir à une tête couronnée. C’est à elle encore de voir si elle doit être la souveraine honorée d’un pays constitutionnel, ou si son règne doit rappeler le gouvernement absolu dans ses plus mauvais jours, par ses plus mauvais côtés. La scission qui s’est manifestée entre le roi et la reine n’est au surplus qu’un des épisodes des discordes intérieures de la famille royale. Ces dissensions se sont aggravées récemment par une découverte singulière. Il est devenu public que l’infant don François de Paule, le père du roi, qui vivait dans l’intimité de la reine Isabelle depuis son mariage, faisait partie d’une société secrète dont le but n’est rien moins que l’abolition de la royauté. Imbécillité ou folie, le fait n’en était pas moins étrange, et l’infant a subi un nouvel exil, une nouvelle disgrace, après toutes celles qu’il a subies pour des motifs à peu près semblables, qui tous prouvaient le peu de portée de son esprit. Ce sont là des symptômes qui certainement ne sont pas fort rassurans, et l’opinion publique commence à se préoccuper des suites que peuvent avoir ces désordres qui éclatent au sein de la famille royale. Il ne faut pas s’en étonner ; la question qui s’agite au palais de Madrid est une question de dignité, c’est-à-dire d’existence pour le pouvoir royal. Quant au ministère qui assiste à ces divisions, on dirait, en vérité, qu’il les entretient plutôt qu’il ne cherche à en effacer les causes. Cela peut s’expliquer par un mot, c’est qu’il sait que le gouvernement n’est pas véritablement dans ses mains, et qu’il se résigne à user du pouvoir dans les limites qui lui sont tracées. Quelle force propre et efficace aurait d’ailleurs ce cabinet, malgré la valeur de quelques-uns de ses membres ? Il n’a trouvé le moyen de vivre jusqu’ici qu’en éloignant les chambres, afin d’éviter ce qui était inévitable, la formation d’une majorité contre lui. Son existence est une existence de hasard. Arrivé au pouvoir on ne sait comment, contre toutes les règles constitutionnelles, il est fatalement contraint à suivre la voie où il s’est laissé pousser.

La Belgique, qui nous donne, depuis deux ans, le spectacle d’un ministère en lutte ouverte, officiellement constatée, avec toutes les forces électorales du pays, est à la veille de sortir de la situation anormale où l’entêtement des ultramontains et la neutralité systématique du roi l’ont placée. Les chambres belges,