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Madrid à plus de docilité pour l’avenir. N’est-il pas étrange de trouver aujourd’hui un langage aussi dur dans la bouche de l’un des signataires du traité de la quadruple alliance ? N’est-ce pas trop livrer le secret de ses désappointemens ?

Au moment où les parlemens de France et d’Angleterre vont se séparer, la diète helvétique ouvre sa session ; le moment est décisif pour les destinées de la Suisse. La majorité dans la diète appartient au parti radical ; quelle sera la conduite de ce parti ? Dans le discours par lequel le président du nouveau vorort et de la diète a ouvert la session, nous avons remarqué, à travers des généralités pompeuses, la pensée positivement exprimée qu’une réforme du pacte fédéral était indispensable. Évidemment le droit de modifier son pacte fédéral appartient à la Suisse et ne saurait lui être contesté. Sur ce point, il ne saurait s’élever de controverse, surtout de la part d’un pays constitutionnel comme la France, et il faut reconnaître que le langage de notre gouvernement a toujours été le même, soit dans les notes diplomatiques, soit à la tribune. Seulement la Suisse, dans son propre intérêt, ne saurait exercer ce droit d’une manière absolue sans avoir égard aux conditions fondamentales de son existence. La Suisse n’a jamais été un état unitaire, mais une confédération d’états qui, en déléguant à une diète générale certains pouvoirs, se sont réservé, pour leur régime intérieur, les droits de la souveraineté. C’est parce que la Suisse présentait ainsi à l’Europe une sorte d’agrégation d’individualités indépendantes, qu’elle en a obtenu la neutralité, et quelques acquisitions territoriales destinées à fortifier cette neutralité. Enfin il ne faut pas oublier que la situation de la Suisse est telle, qu’elle ne saurait être agitée par des troubles sans que plusieurs états de l’Europe qui lui sont contigus en reçoivent le contre-coup. C’est sur ces points essentiels que tout récemment encore le gouvernement français vient d’appeler l’attention du vorort dans une dépêche de M. Guizot à M. de Bois-le-Comte, en date du 2 juillet 1847. Quelques personnes ont cru voir là une insistance dont pouvait s’effaroucher la susceptibilité nationale de la diète helvétique ; mais dans quelles circonstances le gouvernement a-t-il adressé ces nouveaux conseils à la Suisse ? Quand il fut bien démontré, par les dernières élections du canton de Saint-Gall, que le parti radical aurait la majorité dans la diète, la cour de Vienne n’hésita pas à considérer comme imminente la guerre civile avec tous ses déchiremens. Aussi nous croyons qu’elle eût désiré que les puissances s’entendissent pour déclarer à la Suisse, avant toute résolution de la part de la diète, qu’elles ne souffriraient pas qu’il fût fait violence à la souveraineté cantonale. Il paraît que la cour de Vienne était convaincue qu’une semblable déclaration de la part des puissances était de nature à retenir la diète. Le gouvernement français n’a pas partagé cette conviction ; il a jugé au contraire qu’en adoptant un pareil parti, on pourrait être entraîné à une intervention immédiate, ce qu’il fallait surtout éviter. S’abstenir aujourd’hui non-seulement de toute intervention, mais aussi d’une médiation qui elle-même serait prématurée, adresser à la Suisse des communications amicales, et bien la convaincre qu’il y a entre les puissances un complet accord de vues et de pensées à son égard, telle est la ligne de conduite que paraît avoir adoptée le gouvernement français.

C’est pourquoi il a tenté de nouveaux efforts pour persuader à la Suisse que maintenir le principe de la souveraineté cantonale, c’est vraiment respecter et défendre son indépendance. M. Guizot a fait encore remarquer, dans sa dépêche