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en arrière ? Rappelons-nous le conte de ce postillon qui, monté à contre-sens, à contre-sens faisait marcher sa voiture.

« Je te l’ai déjà dit : tisser et détisser, faire et défaire, voilà le plus clair de notre besogne. Personne ne vend sa toile et personne ne fait de la toile neuve.

« … Parlons net. La constitution de 1812 était une fort belle chose en vérité, mais pour l’an 1812… Je la respecte fort, mais comme Jésus-Christ respectait l’Ancien Testament : en fondant le Nouveau. »


Ce n’était qu’une panique. La constitution de 1812 s’en alla pour le moment où vont les vieilles lunes et les vieilles idées. Bonne ou mauvaise d’ailleurs, la constitution de 1812 eût résolu quelque chose, et les ministres exaltés avaient trop hâte de faire parade de leur érudition théorique d’émigrés pour perdre leur temps aux vulgarités de l’application. Jamais cabinet n’a été mieux en mesure d’agir que le cabinet Mendizabal. Les juntes, en le portant aux affaires, venaient de déposer en ses mains l’irrésistible initiative d’une insurrection triomphante, et triomphante sur tous les points du pays. Les chambres, loin d’entraver son pouvoir discrétionnaire, avaient elles-mêmes proclamé leur déchéance en déclarant vicieuse la loi qui leur avait conféré le mandat représentatif. Tous ses actes étaient donc sanctionnés d’avance ; il ne dépendait que de lui de fonder en un jour la révolution, retardée et compromise par les lenteurs, les demi-mesures, l’optimisme imitateur de l’administration Martinez de la Rosa et Toreno. — Eh bien ! le seul emploi qu’il trouve à faire de sa force, devant des cortès quasi démissionnaires, à la face du pays qui venait de lui accorder spontanément sa confiance, c’est d’improviser des questions de confiance que personne ne posait, que personne ne pouvait poser. Écoutons Larra :


« … Ensuite (après un mois employé à passer en revue les diverses formules de congratulation que des chambres bien nées peuvent adresser au trône), ensuite le ministère se sent venir un doute sur la question de savoir s’il a ou n’a pas la confiance de la nation, qui vient de lui confier le pouvoir. Il arrive et le demande au chargé de pouvoirs de la nation, lequel chargé de pouvoirs convient lui-même qu’il n’a pas ces pouvoirs, vu que la loi électorale par laquelle il existe est provisoire et défectueuse, et n’a pas pu donner pour résultat l’expression du vœu national ; et cela est si vrai, que cette même représentation nationale, qui n’est pas représentation nationale, va faire en vertu de ses pouvoirs, qui ne sont pas des pouvoirs, une autre loi électorale qui donne pour résultat l’expression de ce vœu national. Mais tu sauras que pour les gouvernemens représentatifs n’est pas fait je vieux proverbe qui dit : La plus belle fille du monde… En d’autres termes, pour éclaircir ma pensée par un exemple, dans ces gouvernemens il est de règle qu’une chandelle éteinte puisse allumer une autre chandelle. C’est clair, n’est-ce pas ? Donc les ministres nommés par la nation demandant audit mandataire de la nation si la nation a confiance en eux, c’est-à-dire que moi, ton majordome et choisi par toi, je vais demander à ton valet de chambre s’il me donne la permission de rester ton majordome… »