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avançait d’autant. À ce contact brûlant, « énormes masses d’eau, ré duites en vapeur, s’élevaient avec d’affreux sifflemens, cachaient le soleil sous d’épais nuages et retombaient en pluie salée sur toute la contrée voisine. En quelques jours, la lave avait reculé d’environ trois cents mètres les limites de la plage.

Cependant de nouveaux affluens venaient continuellement grossir le fleuve embrasé, dont le courant sans cesse élargi avait atteint les remparts de Catane. Le flot montait chaque jour et touchait au sommet des murailles. Celles-ci ne purent supporter long-temps cette énorme pression. Le 30 avril, quarante mètres de mur environ furent renversés, et la lave entra par cette brèche[1]. Les quartiers envahis étaient les plus élevés, et Catane semblait vouée à une destruction inévitable, quand elle fut sauvée par l’énergie de trois hommes, qui tentèrent de lutter contre le volcan. Le docteur Saverio Musmeci et le peintre Giacinto Platania eurent l’idée de construire des murs en pierres sèches, qui, placés obliquement en avant du courant, devaient en changer la direction. Ce moyen réussit, en partie ; mais le frère don Diego Pappalardo en imagina un autre, dont l’exécution devait avoir un résultat plus sûr encore. Les coulées de laves s’encaissent d’elles-mêmes dans une sorte de canal solide, formé de blocs refroidis et soudés les uns aux autres. La matière fondue, protégée par cette espèce d’enveloppe, conserve sa fluidité et va au loin porter ses ravages. Don Pappalardo pensa qu’en abattant ces digues naturelles sur un point bien choisi, il ouvrirait une voie nouvelle aux flots embrasés et tarirait le torrent à sa source même. Suivi d’une centaine d’hommes alertes et vigoureux, il attaqua la coulée, non loin du cratère, à coups de marteau, de massue… La chaleur était si violente, que chaque travailleur pouvait à peine frapper deux ou trois coups de suite et s’écartait aussitôt pour respirer. Cependant, en s’aidant de crampons en fer, ils parvinrent à démolir une portion de la digue, et, conformément aux prévisions de Pappalardo, la lave s’épancha par cette ouverture. Mais le nouveau courant se portait sur Paterno. Les habitans de cette dernière ville, craignant de voir détourner sur eux le fléau qui menaçait Catane, marchèrent en armes contre Pappalardo et le contraignirent à fuir avec ses braves ouvriers. Toutefois, grace à l’heureuse diversion déjà opérée, la lave n’avait pu envahir toute la ville, et, le 8 mai, elle s’arrêta, après avoir brûlé trois cents maisons, quelques palais, quelques

  1. Ici nous croyons devoir citer le texte de l’auteur : « Resistettero infatti le mura al fuoco e al pese del torrente, ma un tale ostacolo non servi che a gonfiarlo, fintantoche prevalendo col suo peso alla forza resistente di esse mura, venne finalmente il giorno 30 di aprile a rovesciare venticinque canne di muro, a sulle ore sedici comincio ad introdursi nella citta per quelle braccia. (Rom. Agatino cité par Recupero dans l’Histoire générale de l’Etna.)