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monumens de Denderah avec des idées préconçues. Ce temple, qui contenait les fameux zodiaques où l’on voyait la preuve d’une antiquité de quinze mille ans, ce temple devait appartenir aux plus lointaines époques de cette science antique dont il retraçait pour eux les enseignemens. En vain l’amoncellement moins considérable du sol au pied de l’édifice et la fraîcheur des couleurs dont il est orné suggéraient à MM. Jollois et Devilliers la sage pensée d’une antiquité moindre ; ils résistaient à ce témoignage des yeux et du bon sens comme aux avertissemens du goût ; ils déclaraient le temple de Denderah l’un des plus anciens, et mettaient ses sculptures au nombre des plus belles de l’Égypte.

Visconti, dirigé par le tact de l’antiquaire, Belzoni, averti par l’instinct du voyageur, Gau, éclairé par la sagacité de l’architecte, élevèrent des doutes sur l’antiquité prétendue du temple de Denderah. En 1821, M. Letronne, appuyé sur une inscription grecque, avait avancé que l’un des zodiaques de Denderah datait du temps de Tibère, et l’autre. (celui qui est aujourd’hui à Paris) du temps de Néron. Enfin, le 16 novembre 1828, Champollion, deux heures après son arrivée, avait lu sur les murs du temple, à la clarté de la lune et à la lueur d’un falot, les noms de Tibère, de Claude et de Néron. C’en était fait, le prestige de la haute antiquité s’évanouissait. Le temple de Denderah appartenait à l’époque romaine, et Champollion, dans une lettre qui respire l’enthousiasme le plus vrai pour l’architecture de Denderah, n’hésitait pas à dire : «  N’en déplaise à personne, les bas-reliefs sont détestables ; » et il ajoutait à cette sentence très méritée une distinction fine et juste «  La sculpture s’était déjà corrompue, tandis que l’architecture, moins sujette à varier, puisqu’elle est un art chiffré, s’était soutenue digne des dieux de l’Égypte et de l’admiration de tous les siècles. »

Ce temple était consacré à une déesse que les Grecs appelaient Aphrodite. Ce n’était point Isis, comme l’ont cru les savans de l’expédition d’Égypte, mais Athor, comme l’a facilement reconnu Champollion. L’erreur de ces savans était naturelle ; les attributs de la déesse Athor étant très semblables à ceux d’Isis, il serait souvent impossible de distinguer ces deux déesses, si leurs noms n’étaient écrits à côté d’elles en hiéroglyphes. Du reste, Isis et Athor étaient des divinités très voisines, on pourrait dire identiques ; elles offrent un des exemples les plus frappans de cette identité de type à laquelle une étude plus approfondie de la mythologie égyptienne ramènera, je pense, de plus en plus. Je crois que ce Panthéon compliqué et bizarre, mieux connu, se simplifiera et se réduira considérablement. Athor est, je pense, un autre nom d’Isis, comme le dit expressément Plutarque. J’ai pu reconnaître ici une identité plus nouvelle, et par conséquent plus curieuse, entre Athor et la déesse Pacht, la Bubastis des Grecs, qui est représentée d’ordinaire avec