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doit être convaincu maintenant qu’il y a pour lui une impérieuse urgence de prendre l’initiative des sages réformes et des améliorations nécessaires. En adoptant cette conduite, il ne cédera aux exigences, aux fantaisies de personne, mais à la force des choses, à l’autorité souveraine des faits. Il connaît aujourd’hui la chambre de 1846, il en a expérimenté les sentimens et les tendances. Toute chambre nouvelle a une activité, une ambition, qui demandent un aliment. C’est ce qu’avait trop oublié le cabinet, et il a pu regretter d’avoir trop abandonné la chambre à elle-même, de ne pas l’avoir tenue en haleine par des travaux qui avaient d’ailleurs leur opportunité dans des causes de toute nature. Il y a pour un ministère quelque chose de plus inquiétant qu’une chambre exigeante ou agitée, c’est une chambre oisive. C’est dans le far niente parlementaire que s’amoncèlent les orages. Nous ne doutons pas que les esprits politiques du cabinet ne soient résolus à mettre à profit l’intervalle de la session pour préparer les projets, les mesures, qui devront, l’hiver prochain, occuper les chambres. C’est moins que jamais, pour le pouvoir, le temps des doux loisirs : c’est le temps au contraire d’un redoublement de vigilance, d’application et d’énergie.

La chambre, qui a voté rapidement le budget des affaires étrangères, a entendu les explications de M. Guizot sur nos relations avec la Suisse. L’indépendance de la Suisse est non-seulement inviolable en principe, mais elle est un intérêt de premier ordre pour la France, qui doit toujours la maintenir. Après cette déclaration formelle, M. le ministre des affaires étrangères a défendu l’esprit de la note que M. de Bois-le-Comte avait laissée le 2 juin entre les mains de M. Ochsenbein, président du directoire. Il a affirmé que cette note ne contenait que des avertissemens et des conseils, tels qu’on en peut donner à des voisins et à des amis. On ne saurait, au surplus, bien apprécier le langage du représentant de la France, si l’on oublie ou si l’on ignore dans quel état d’effervescence est aujourd’hui la Suisse. Dans les derniers jours de mai, le grand conseil de Berne donna ses instructions aux députés à la diète ; on agita alors au sein du grand conseil les thèmes les plus irritans, tels que la dissolution immédiate du Sonderbund, l’expulsion des jésuites de la Suisse par tous les moyens dont la diète pourrait disposer, la révision du pacte fédéral par une assemblée constituante, nommée en proportion de la population. Ces propositions et d’autres motions analogues furent adoptées à des majorités de 120, 130, 145 voix sur 152. Le grand conseil procéda ensuite à la nomination de 3 députés à la diète fédérale. M. Ochsenbein, ancien commandant des corps francs, fut nommé premier député, chef du conseil d’état, et, comme tel, président du vorort, à la majorité de 99 voix sur 154 ; M. Schneider fut élu second député, et M. Staempfli, qui a fait également partie des corps francs, a été désigné comme le troisième. Il ne faut pas oublier non plus que dans la séance du 31 mai, où il prononça son acceptation du mandat de député, M. Ochsenbein déclara qu’il était prêt à soutenir, comme chef de la diète, la même cause qu’il avait servie comme général à la tête des corps francs, et à laquelle il promettait de consacrer son existence. Quelques jours auparavant, dans la séance du 27 mai, qui précéda sa nomination, M. Ochsenbein avait dit en propres termes que le Sonderbund n’était pas né des corps francs, mais que c’étaient les corps francs qui étaient nés de la conduite des cantons composant le Sonderbund.

On aura l’explication d’un langage aussi vif dans la bouche du président de