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bles sentimens que de tristes écarts ont vivement froissés. Le gouvernement doit donner une attention sérieuse aux questions positives qu’il a à résoudre dans l’intervalle des sessions ; il ne doit pas oublier le remaniement du budget, dont la réduction de l’impôt du sel sera la cause principale ; il doit songer à toutes les questions qui seront portées devant les chambres, aux solutions qu’il veut soutenir, à celles qu’il est résolu de combattre. Il faut aussi qu’il étudie attentivement l’opinion telle qu’elle se reflète dans des manifestations régulières, comme les délibérations des conseils-généraux. L’an dernier, sept conseils-généraux avaient demandé la réforme électorale ; aujourd’hui il y en a dix qui ont émis ce vœu. La différence est minime ; pourtant c’est un symptôme. Distinguer les véritables sentimens de la majorité du pays d’avec les exagérations de l’esprit de parti, c’est pour le gouvernement le meilleur moyen de répondre aux reproches de ses adversaires.

En Belgique, le nouveau ministère s’asseoit au milieu d’une situation dont ses amis diminuent peut-être les difficultés, comme ses ennemis se plaisent à en exagérer les faiblesses. S’il fallait croire les partisans vaincus du ministère catholique, les élections qui l’ont renversé seraient le produit de la conjuration la plus impudente au moyen de laquelle la presse et les clubs aient jamais faussé l’opinion publique ; le cabinet de M. de Theux, accusé par des ingrats, justifié par ses œuvres, n’aurait maintenant qu’à monter au Capitole. Il est malheureusement très probable qu’on l’y laisserait monter tout seul, et les électeurs qui renomment avec d’immenses majorités les ministres soumis à leurs suffrages par l’acceptation même de leur charge ne semblent pas encore décidés à s’apercevoir qu’on les ait mystifiés. Il y a certainement dans cette obstination de quoi scandaliser les pieux apologistes qui entreprennent d’une façon si désintéressée ces panégyriques posthumes ; mais c’est pousser les choses un peu loin que de voir, comme certains d’entre eux, la tradition des jacobins et de la montagne dans le mouvement électoral du 8 juin, dans cette victoire si parfaitement constitutionnelle et légale. N’est-il pas au contraire bien remarquable qu’un succès si décisif ait été remporté sans le concours de ce groupe extrême des ultra-libéraux, dont les prétentions exagérées avaient justement, à la fin de l’année dernière, provoqué la dissolution de l’alliance, et contraint M. Verhaegen lui-même à les quitter pour former avec les modérés une association qui ne fût pas républicaine ?

Il va sans dire qu’aux yeux de ces critiques pressés le ministère à peine installé a déjà mérité les plus durs reproches ; il était cependant difficile pour lui de s’attendre à ceux qu’il reçoit. Son premier acte est de promettre toute sa sollicitude aux Flandres et de rassembler leurs conseils provinciaux, afin d’éclairer plus vite et avec plus de lumière leur triste position ; on l’accuse de rejeter ainsi la responsabilité qu’il s’est vanté de prendre et de n’avoir point déjà guéri par ordonnance toute cette masse d’anciennes misères. Il écarte un certain nombre de fonctionnaires, des diplomates, des généraux, des gouverneurs de province, et même des commissaires de district. Il ose plus, et dans d’autres circonstances ce serait en vérité aller loin, il demande à tous ses employés une adhésion formelle au programme qu’il a publié. On compare ces procédés un peu vifs aux exécutions administratives du régime hollandais de 1829 ; il serait plus juste de