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sermens envers leurs cantons avant de l’être envers le service fédéral. Cette admirable mesure de la majorité a privé la fédération de ses meilleurs officiers, parmi lesquels on peut citer MM. de Maillardos, Ellger, Salis-Saglio. Ce n’est pas tout : on vit la diète exclure du conseil de la guerre trois colonels fédéraux qui avaient refusé d’y venir siéger sous la présidence de M. Ochsenbein, qu’ils avaient eux-mêmes rayé du service pour son expédition des corps-francs. Enfin, pour compléter ces mesures contre le Sonderbund, la diète, par un arrêté, avertit les sept cantons de cesser leurs armemens et défendit de laisser passer les munitions de guerre qui leur seraient adressées. Nous arrivons aux jésuites, ou plutôt, sans les nommer, nous nous sommes déjà occupés d’eux en parlant du Sonderbund. Les deux questions ont entre elles une étroite connexité. En effet, les sept cantons déclarent que, si la majorité voulait exécuter le pacte fédéral en rétablissant les couvens et en ne cherchant plus à imposer par la force le renvoi des jésuites, ils considéreraient eux-mêmes leur alliance comme sans objet, et partant comme dissoute. A cela les douze cantons radicaux répondent que la question des jésuites est fédérale. — Non, elle est cantonale, répliquent les sept cantons, et ils protestent qu’ils n’obtempéreront pas à l’invitation qui leur est faite de renvoyer les membres de la société de Jésus. C’est en présence de ces difficultés que la diète s’est ajournée avec l’engagement d’exécuter les décisions rendues.

Quand elle se réunira de nouveau, il faudra que les cantons encore hésitans de Saint-Gall et des Grisons se déterminent à voter l’exécution, ou que les sept cantons obéissent volontairement aux décrets lancés contre eux. La majorité radicale ne se dissimule pas la gravité de sa situation, mais elle s’est laissé entraîner par les meneurs, qui ont dit qu’il fallait marcher en avant sous peine de périr. Cependant il viendra un moment où il faudra s’arrêter ou se précipiter dans l’horrible crise d’une guerre civile. Comment ceux qui poursuivent la chimère de l’unitarisme ne s’aperçoivent-ils pas qu’ils travaillent plutôt à provoquer le partage de la confédération en deux systèmes, en deux confédérations ? Qui ne sait en Suisse qu’il n’y a que trop de tendances à une pareille scission de la part des sept cantons, qui, dans leurs rapports avec les autres confédérés, ne trouvent plus qu’une hostilité systématique ? Ainsi, pour arriver à une unité absolue, à laquelle rien n’a préparé la Suisse, on briserait cette antique unité qui depuis des siècles fait son honneur et sa force !

Il y a peu de jours encore, une double perspective s’ouvrait devant l’Espagne. On peut s’en souvenir, le moment semblait venu où il fallait qu’elle optât entre un retour à une politique sérieuse et digne et une série d’agitations stériles, d’intrigues tortueuses et vulgaires, plus compromettantes cent fois pour l’avenir constitutionnel du pays que les déchiremens sanglans de la guerre civile. L’appel qui avait été fait au général Narvaez nous avait paru d’un heureux augure ; c’était, à notre avis, un grand pas vers une issue favorable, par cela seul que le duc de Valence était plus que tout autre en position de mettre un terme honnête et convenable aux fatales divisions qui séparent la reine Isabelle et le roi. Là en effet était la question, là elle est encore aujourd’hui. Toute solution qui ne sera pas un rapprochement entre les époux royaux sera pour l’Espagne le signal de bouleversemens dont il serait difficile de calculer la portée. Voilà pourquoi on pouvait se féliciter de l’avènement aux affaires d’un homme et d’un parti dont l’intervention devait être salutaire. Ce n’est pas, quoi qu’on en