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ministratives praticables, l’admissibilité des laïques aux emplois, l’organisation des municipalités, le rétablissement de l’ordre dans les finances, le remaniement des institutions judiciaires ? Plusieurs de ces améliorations furent promises, quelques-unes reçurent un commencement d’exécution ; puis tout finit par retomber dans la vieille routine. Comment s’imaginer que, seize ans après, lorsqu’un nouveau pape, plus heureux que Grégoire XVI, a, dès les premiers momens de son exaltation, toute la confiance du peuple romain, et prend lui-même l’initiative de toutes ces améliorations depuis si long-temps souhaitées, le gouvernement de 1830 puisse se montrer à l’égard de Pie IX hostile ou indifférent ? C’est néanmoins ce qu’ont affirmé plusieurs organes de la presse. À les entendre, le gouvernement français a vu presque avec déplaisir l’entreprise réformatrice de Pie IX : il a adopté sur ce point toutes les opinions, toutes les antipathies de l’Autriche ; enfin il a laissé l’honneur de protéger l’indépendance de l’Italie à lord Palmerston, qui seul aurait désormais la glorieuse mission d’affranchir les peuples. On sait, en effet, comment il s’acquitte de cette tâche eu Grèce et en Espagne, et combien sa manière de procéder doit faire souhaiter qu’il s’occupe aussi de l’Italie. N’est-il pas étrange qu’on travaille ainsi parmi nous, par de faux bruits, à glorifier lord Palmerston ? Ceux qui s’y emploient n’ont donc jamais songé qu’il pouvait entrer dans les vues du ministre whig de pousser la France à quelques démonstrations en Italie, pour se donner le plaisir de désapprouver sa conduite auprès de M. de Metternich et de l’isoler encore une fois ? Sans nous reporter jusqu’en 1840, l’attitude diplomatique de lord Palmerston dans l’affaire de Cracovie suffit pour autoriser cette conjecture.

À vrai dire, c’est entre la politique de lord Palmerston et la politique du prince de Metternich que le gouvernement français est appelé à frayer sa route. Parce qu’il ne saurait être dans ses intentions d’avoir la pétulance agitatrice du premier, faut-il en conclure qu’il est, comme le second, apathique et stationnaire ? Cette imitation dans l’immobilité serait une faute grossière qu’il est difficile de prêter à un gouvernement qui doit avoir les yeux ouverts sur ses véritables intérêts. Que gagnerait ou plutôt que ne perdrait pas la monarchie de 1830 à s’inspirer des tendances et des maximes de la cour de Vienne ? Nous comprenons que sur des points spéciaux il puisse y avoir un accord diplomatique plus ou moins prononcé ; mais pour les deux cabinets le fond des traditions et des doctrines ne saurait être le même. Quand quelques journaux ont avancé que cette identité existait, ils ont cru trop facilement qu’ils pouvaient faire de cette accusation sans preuves un moyen de polémique. Auraient-ils par hasard conclu du silence gardé par le gouvernement que sa conduite était aussi blâmable qu’ils l’imaginaient ? Mais on ne fait pas de diplomatie sur la place publique, on ne livre pas à une divulgation prématurée des négociations qui s’entament, qui se poursuivent. Lorsque, plus tard, ces négociations sont terminées, lorsqu’un résultat est obtenu, c’est le devoir des gouvernemens constitutionnels de porter leurs actes à la connaissance du pays et des chambres ; jusque-là, ils en ont un autre à remplir : c’est d’encourir plutôt des accusations injustes que de tomber dans des indiscrétions fâcheuses. La presse quotidienne se trouve ainsi avoir le champ libre par la force des choses ; en ce moment même, au milieu du silence de la tribune, elle parle sans contradicteurs : ne serait-ce pas une raison pour elle, dans l’intérêt même de son crédit, d’être plus circonspecte ?