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immédiat des pauvres, la chambre des communes autorisait aussi une avance de près de 40 millions aux landlords pour l’amélioration de leurs terres. Le tout fut accordé à l’unanimité, mais avec un redoublement d’objurgations et de menaces. Il était impossible de dire plus éloquemment : « C’est la dernière fois qu’on vous donne ; ne repassez plus. » M. Roebuck, tout naturellement, fut le premier à l’attaque.


« Je voudrais bien, dit-il, avant de voter ainsi 10 millions pour l’Irlande, savoir quelles sont les intentions du gouvernement à l’égard de la loi des pauvres. J’entends dire que soixante-dix des plus grands propriétaires sont contre le bill. Pourquoi n’impose-t-on pas l’income-tax à l’Irlande ?… Le gouvernement n’a fait qu’ajouter à la détresse ; il a desséché les sources de la charité privée, a éloigné le peuple de la culture de la terre en lui donnant des travaux inutiles ; il s’est transformé lui-même en brocanteur de blé et en meunier. Il y a eu une irruption de la misère ; on a appris au peuple à compter sur le gouvernement et à ne rien faire ; l’emprunt excitera la même clameur pour du pain l’année prochaine, les mêmes cris de : Donnez ! donnez ! donnez ! Prenez garde que l’Irlande ne finisse par entraîner l’Angleterre dans une ruine commune. »

Ces récriminations amères étaient avidement accueillies par le public anglais, et reproduites avec bien plus de violence encore par le Times. Il y avait une véritable agitation organisée contre les propriétaires d’Irlande, et cette agitation prenait un caractère qui, dans tout autre pays, n’eût été rien moins que terroriste. Le plus inexorable et le plus infatigable ennemi des landlords, M. Roebuck, revint encore à la charge, et fit une motion pour que l’income-tax fût appliquée à l’Irlande. On sait que sir Robert Peel, en établissant la taxe générale sur tous les revenus, en avait fait exempter l’Irlande. Nous citerons plusieurs passages du discours que fit M. Roebuck à cette occasion ; c’est un des plus cruels, des plus sanglans et des plus spirituels qu’eût entendus depuis long-temps le parlement anglais, et il pose nettement la question :


« En Angleterre, toutes les classes, l’artisan, le marchand, le propriétaire, contribuent au fonds commun, sans grommeler et sans murmurer ; mais en Irlande, personne ne paie de taxes ni pour sa maison, ni pour ses fenêtres, ni pour ses chevaux, ni pour ses domestiques, ni pour ses armoiries, ni pour rien. En Irlande, chacun peut ajouter à son train de maison sans payer de taxes. Oh ! sans doute, ce serait bien fâcheux de taxer l’étalage et le clinquant en Irlande, car ce serait taxer la moitié des bonheurs du pays… En Angleterre, le gentleman, le marchand, l’ouvrier, tous se font un devoir de soutenir les pauvres ; mais les gentlemen d’Irlande, les marchands d’Irlande, les artisans d’Irlande trouvent cela au-dessous d’eux. La maxime : « La propriété a ses devoirs comme ses droits » a trouvé un écho dans tous les cœurs d’Angleterre et d’Écosse ; elle n’a pas trouvé une réponse en Irlande… Tout ce que je demande, c’est qu’en Irlande, comme en Angleterre, le riche paie les taxes. Je demande que quiconque aura un