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avec un luxe d’argumentation, de démonstrations, de faits à l’appui, qui avaient au moins l’inconvénient de lui donner l’apparence d’être plus opposé à cette mesure que peut-être il ne l’était en réalité. A l’occasion de la proposition du dégrèvement sur le sel, la surprise n’a pas été moins grande, quand on a appris que des renseignemens précis allaient être rassemblés au ministère des finances et sérieusement mis à l’étude. En conscience, on pouvait croire les choses un peu plus avancées. A l’heure qu’il est, nous nous imaginons que l’administration en sait déjà plus sur ces matières qu’elle ne feint d’en savoir. En somme, pour ce qui regarde les réformes financières, c’étaient les raisons d’inopportunité qu’il fallait surtout mettre en relief ; c’était aux circonstances, plus qu’au fond des choses, qu’il fallait s’attacher, afin de ne désespérer personne. Les considérations prises dans cet ordre d’idées étaient sans inconvénient, elles étaient aussi les plus raisonnables, certainement les plus politiques et les plus péremptoires. Ce sont pourtant celles-là qu’on a le moins traitées.

Nous venons d’énumérer sans intention de les exagérer ou de les amoindrir, avec le désir d’être exact et impartial, les fautes qui nous ont frappé dans la conduite d’un ministère pour lequel nous professons d’ailleurs un sincère attachement ; nous avons tâché de caractériser ce que les circonstances du moment avaient ajouté de gravité à une situation parlementaire déjà embarrassante par elle-même. Puisque nous cherchons ici à tirer des épreuves récentes par lesquelles le parti conservateur vient de passer tous les enseignemens dont son avenir peut profiter, nous saisirons cette occasion pour appeler l’attention des hommes réfléchis sur des considérations d’un autre ordre, que la dernière crise ministérielle nous a paru faire vivement ressortir. Un cabinet considérable par lui-même, par sa durée déjà ancienne, qui comptait au sein des deux chambres des appuis nombreux et énergiques, a dû se modifier. Trois sièges sont devenus vacans en même temps dans les conseils de la couronne. Y a-t-il eu tout prêts pour les occuper des candidats désignés par l’opinion publique ? A-t-on du moins trouvé aussitôt quelques hommes de valeur empressés à tenter la glorieuse aventure ? Non. Dans ce temps où les partis jettent continuellement à ceux qui se mêlent des affaires du pays le reproche banal de rechercher le pouvoir, il a été avéré que ces portefeuilles ont été successivement offerts à beaucoup de personnes et obstinément refusés. Nous laisserons d’autres se réjouir de ce fait comme d’un noble spectacle d’abnégation publique. Nous ne craignons pas de dire que nous en avons été affligé. Il est affligeant en effet que les plus hautes fonctions, celles où il est possible d’accomplir le plus de bien en se faisant le plus d’honneur, aient été en vain colportées de porte en porte et finalement imposées, à leur corps défendant, à des hommes courageux qui les