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pas, dans notre société démocratique, des devoirs austères à remplir ? Les hardis législateurs de la convention avaient bien compris la gravité de ce problème, quand ils confièrent la surveillance des théâtres à la commission d’instruction publique. Il y a dans ce seul acte un système tout entier et un magnifique programme. Qu’on y réfléchisse il faut une protection éclairée, active, à cette grande littérature dramatique dont la décadence serait fatale à la poésie, dont la corruption abaisserait les mœurs publiques. L’indifférence et la faiblesse ne sont plus possibles. Le mal n’est pas dans l’avenir, il est là, il nous presse. Ce n’est pas une conséquence lointaine qu’il faut prévoir et détourner, c’est un ennemi présent qu’il faut combattre.

Nous avons peut-être le droit d’élever ces plaintes avec quelque vivacité ; cette question est décisive pour la critique, et nul autre problème littéraire n’a les mêmes titres à notre attention inquiète. Il s’agit de savoir si les projets de l’ardente génération qui a ouvert ce siècle seront décidément abandonnés. Des trois réformes qu’on avait rêvées alors, une seule a été menée à bien ; une autre, inaugurée d’abord avec éclat, est arrêtée en ce moment et compromise par de déplorables erreurs ; la troisième, la réforme du théâtre, a été seulement indiquée. Sur ce point, il y a tout à faire. Les brillantes tentatives de M. Hugo, de M. de Vigny, les premières œuvres de M. Dumas, ont donné de légitimes espérances ; mais il n’y a pas eu au théâtre, comme dans la poésie lyrique, comme dans le roman, une seule production vraiment achevée, une seule de ces œuvres privilégiées qui attestent une conquête définitive. Lorsque Lessing entreprit de régénérer le théâtre allemand, ce furent la volonté et la constance qui triomphèrent ; bien que l’auteur de Nathan-le-Sage eût indiqué le but sans l’atteindre, il ne se découragea pas ; cette ardeur opiniâtre porta ses fruits : Schiller et Goethe réalisèrent l’idéal du grand critique. Il y a quelques années, notre situation était assez semblable à ces premiers commencemens de la scène allemande. On cherchait avec ardeur la solution du problème : l’auteur d’Hernani, l’auteur de Henri III, L’auteur de Chatterton, s’avançaient courageusement, chacun de son côté, chacun par des voies qui lui étaient propres et avec des chances diverses. M. Charles Magnin partageait entre la critique et l’histoire du théâtre la curiosité, la sagacité de son esprit, l’autorité de sa rare érudition. M. Gustave Planche, discutant la réforme théâtrale, montrait de quel côté devaient se porter les efforts ; il indiquait les victoires dont l’école nouvelle avait besoin pour que ses idées fussent définitivement traduites dans des œuvres durables. Il annonçait même les phases progressives que traverserait l’invention dramatique, et semblait saluer dans l’avenir le poète qui représenterait ce développement plus heureux. Les espérances de la critique ont été singulièrement trompées. Cette généreuse ardeur s’est évanouie, et la réforme