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les indemnités de terrains, puisque les transactions, déjà faites à moitié, n’ont absorbé que 28,800 francs. À ce compte ; les derniers achats reviendraient à une somme presque double, c’est-à-dire à 50,986 francs. Rien ne justifie cette augmentation. Les terrains n’ont pas une valeur plus grande au-delà de Tonnerre qu’entre cette ville et Paris. Si les dernières sections ont à traverser les vignobles du Mâconnais, les premiers travaux ont été établis dans des localités non moins riches, dans les fertiles vallées de la Seine et de l’Yères, de l’Yonne et de l’Armançon ; ils y touchent des centres de population nombreux et importans ; ils ont exigé la dépossession de 5,723 propriétaires et l’achat de 12,674 parcelles ; les maisons, les jardins qu’il a fallu détruire, couvriraient une superficie d’environ 24 hectares. Il n’est donc pas possible que les achats de terrains qui restent à faire exigent un surcroît de sacrifices, et il nous semble évident que l’estimation de M. Jullien, sur cet article, comporte une erreur d’au moins 6 millions.

On demande pour les terrassemens 36,500,000 fr., au lieu d’une dépense de 28,220,000 fr. annoncée dans les calculs soumis aux chambres. Cette augmentation semble parfaitement justifiée par la nécessité reconnue aujourd’hui d’établir des levées insubmersibles sur tous les points où la voie ferrée côtoie des cours d’eau. Que, pour les constructions et les travaux d’art, il y ait une énorme différence entre les premiers aperçus et les devis étudiés, ce ne doit pas être un sujet d’étonnement. Lorsqu’il s’agit de creuser un souterrain, peut-on calculer, même après des sondages, la résistance qu’opposera la constitution du sol, les efforts occasionnés par la rencontre des roches, les éboulemens, les infiltrations ? Les plans provisoires roulent sur des moyennes que les hasards de l’exécution démentent toujours, soit en plus, soit en moins. Sur la ligne de Londres à Birmingham, on cite deux souterrains creusés par des entrepreneurs sur un prix moyen d’adjudication, et dont l’un ne revint en définitive qu’à 772 fr. le mètre courant, tandis que l’autre coûta 3,413 fr. Comment évaluer à l’avance des travaux tels que ceux qui s’exécutent actuellement à Blaisy, entre Tonnerre et Dijon ? Quatre mille ouvriers, occupés nuit et jour à perforer une montagne, l’attaquent à la fois par les flancs, au sommet et au cœur. Déjà treize puits circulaires et solidement maçonnés, sur vingt et un qu’on doit creuser, permettent d’opérer simultanément sur un grand nombre de points ; douze machines à vapeur, de la force de vingt chevaux chacune, facilitent les déblaiemens. C’est ainsi qu’une galerie souterraine, d’une étendue de 4,100 mètres, sera bientôt ouverte à une profondeur qui va parfois jusqu’à 200 mètres au-dessous du terrain naturel. Sur d’autres points de la ligne, neuf autres souterrains, ayant ensemble 2,720 mètres de développement ; plusieurs viaducs, dont les hauteurs varient entre 11 et 43 mètres, et dont un seul, celui de Villefranche, aura 280 mètres d’étendue ; vingt-trois ponts, dont quelques-uns dans de grandes proportions, treize grandes gares, sans compter les constructions monumentales des deux extrémités de la ligne, des bâtimens de stations innombrables, composeront un ensemble d’opérations, une œuvre multiple et gigantesque dont les détails n’ont pu être prévus avec certitude. Il y a toujours moyen, pour les constructeurs