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ne s’est arrêté qu’au chiffre 246. Pour cent sept chemins de fer autorisés par le parlement anglais, le capital primitif donnait un total de 1,040,570,350 francs ; mais il a fallu emprunter, pour arrondir cette somme, 404,140,750 francs. On voit par ces illustres exemples que les ingénieurs de la ligne de Lyon sont parfaitement en règle ; il ne reste plus qu’à leur demander comment ils justifient leur légère augmentation de 50 pour 100.

Les documens administratifs qui ont servi de base aux rapporteurs désignés par les chambres, comme aux spéculateurs qui se disputaient la concession, attribuaient au chemin de Paris à Lyon un parcours de 509 kilomètres ; dans cette étendue étaient compris les deux tiers seulement de la traversée de Lyon, le dernier tiers devant être laissé à la charge de la compagnie d’Avignon. Aujourd’hui les calculs définitifs donnent une étendue totale de 520 kilomètres : cette aggravation de charges a été déterminée par l’extension de la traversée de Lyon[1] et par la nécessité d’établir des voies supplémentaires pour dégager les approches de Châlons-sur-Saône. La différence la plus notable entre les comptes approximatifs du gouvernement et les derniers devis des ingénieurs porte sur les acquisitions de terrain et indemnités d’expropriation. Le rapport de M. Dufaure alloue pour ce double objet une somme de 20 millions en nombre rond ; une somme double ne suffirait pas suivant les nouveaux calculs, qui attribuent 10 millions à l’achat des terrains, nécessaires à l’établissement d’une gare monumentale à Paris, 21,300,000 francs à la voie de Paris à Lyon, et qui laissent entrevoir pour les travaux de cette dernière ville, où trois gares doivent être construites, une dépense si considérable, qu’on n’ose pas encore l’exprimer en chiffres. Nous devons dire que, si l’évaluation de M. Dufaure est trop faible, celle de M. l’ingénieur Jullien pèche évidemment par le défaut opposé. De la banlieue de Paris à celle de Lyon, le tracé donne 504 kilomètres : or, les acquisitions déjà faites jusqu’à Tonnerre, c’est-à-dire sur un développement d’environ 200 kilomètres, ont absorbé seulement 5,761,630 francs. C’est une moyenne de 28,800 francs par kilomètre. Ce résultat, correspondant à un achat d’un peu moins de 4 hectares par kilomètre, à raison de 7,709 francs l’hectare, y compris les propriétés bâties, indique que cet ordre d’opérations a été bien conduit. Les dépenses correspondantes pour la plupart des autres grandes lignes ont été beaucoup plus considérables[2]. Toutefois nous ne concevons pas pourquoi on demande actuellement une moyenne de 42,262 francs[3] par kilomètre pour

  1. Les études de la traversée de Lyon n’étant pas suffisamment avancées lorsque la loi fut discutée dans les chambres, on laissa à l’administration le soin de marquer le point de jonction entre les deux lignes. Onze kilomètres au lieu de six furent imposés à la compagnie de Paris.
  2. Le prix moyen des acquisitions de Paris à Orléans a été de 10,032 fr. l’hectare ; sur certaines parties des lignes du Nord, il a été de plus de 12,000 fr. Les chemins qui rayonnent dans le voisinage des grandes villes, comme ceux de Paris à Versailles, de Londres à Croydon, de Manchester à Bolton, exigeant l’achat et la destruction de plusieurs propriétés bâties, nécessitent un sacrifice de 40 à 50,000 fr. par hectare.
  3. Ce chiffre parait avoir été pris sans vérification dans les devis des chemins de Rouen et d’Orléans, qui ont en effet payé plus de 42,000 fr. par kilomètre pour indemnités de terrains. La ligne de Marseille a payé 80,000 fr. en moyenne, et celle du Hâvre jusqu’à 110,526 fr. Mais on peut citer comme contraste le chemin de Dieppe, qui, traversant sur les deux tiers de sa longueur les plus riches parties des vallées de la Normandie, n’a coûté par kilomètre qu’environ 29,000 fr. Nous rapprochons ces chiffres pour faire sentir l’incertitude des devis approximatifs et provisoires.