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l’entrée en jouissance de voies de communications utiles, où de grands capitaux de l’état sont déjà engagés, que d’emprunter même à 5 pour en accélérer l’achèvement. On peut espérer, d’ailleurs, que le taux de 5 pour les bons royaux ne se maintiendra pas long-temps. Le meilleur symptôme à cet égard, c’est que la rente 5 pour 100 est à 116.

Les inflexibles partisans des économies ont encore une réponse « Nous, diminuer les travaux publics ! le ciel nous en garde ! disent-ils. Nous maintenons cette ressource du pauvre. Les reports des exercices précédens laissent disponible une somme telle qu’en la joignant aux crédits votés pour 1847 et à ceux que nous laissons pour 1848, on aura pour les deux années une moyenne égale à la plus forte somme qui ait été jamais consacrée aux travaux extraordinaires. » Les hommes honorables et bien intentionnés qui tiennent ce langage sont dupes d’une illusion. Si constamment de chaque exercice il reste pour le suivant un excédant disponible, il faut croire qu’il y a dans notre mécanisme des travaux publics une cause qui empêche de dépenser rigoureusement chaque année le crédit alloué, et qui tantôt induit à l’excéder, tantôt force à rester en-deçà. Cette cause est connue, c’est la spécialité des chapitres. On ne dit point au ministre des travaux publics : Vous dépenserez cette année en bloc telle somme, cent millions par exemple ; on lui morcelle ce total entre trente ou quarante chapitres, qui ne doivent point empiéter l’un sur l’autre. Avec cette méthode, qui peut, du point de vue du bon ordre des finances, offrir beaucoup d’avantages, il a été et il sera toujours impossible à un ministre des travaux publics de tirer bon parti des sommes qui lui sont confiées, s’il n’a pas la faculté des reports, et s’il n’en use point à l’aise. Les personnes les moins versées dans les travaux publics comprennent qu’il ne faut pas songer, pour chaque entreprise spéciale, à dépenser strictement une somme déterminée à chaque campagne. On peut être retardé par mille accidens tenant les uns à la saison, les autres à une fourniture espérée, mais non réalisée, celui-ci au régime des fleuves, celui-là à la tenue de la mer, d’autres enfin à cet imprévu que rencontrent toutes les œuvres des hommes ; mais, avec la faculté de reporter d’un exercice au suivant les sommes votées, on compense les retards de certaines années par l’accélération des autres. Lors donc que la commission du budget considère comme devant être dépensées réellement à la fin de 1848 toutes les allocations accordées jusque-là, elle caresse une chimère. Autre observation : il ne restera à l’exercice 1848 une somme considérable, après la suppression projetée de 93 millions, qu’autant qu’en 1847, pendant le fort de la disette, le gouvernement se sera abstenu d’activer de toutes ses forces les travaux : ou bien l’on constate que le gouvernement, de lui-même, a commis cette impardonnable omission,