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comparé de notre consommation en bétail pendant les années 1830 et 1839, et il arrive à cette conclusion, qui l’alarme, que nos ressources diminuent. Si à ce moment les conseils-généraux de l’industrie ne font pas une manifestation pour la baisse des droits, ce n’est pas de sa faute. Depuis lors, l’opinion s’est de plus en plus accréditée, et fort justement, qu’une population qui ne consomme pas de viande porte en elle-même une cause déplorable d’infériorité dans tous les travaux de force, et de mortalité par les maladies et l’épuisement au milieu des hasards de la guerre. Une clameur s’est élevée parmi les esprits éclairés afin que les intérêts de l’humanité et ceux d’une politique vraiment nationale obtinssent satisfaction ; beaucoup de propositions plus ou moins mûries ont surgi. Chacun a présens à l’esprit différens documens et divers discours qui ont fait beaucoup d’impression au moment où ils se sont produits. Pour ne parler que de ce qui est le plus récent, je citerai MM. Payen, de l’Académie des Sciences, et de Vogué, propriétaire et maître de forges, qui, dans la dernière session du congrès agricole, ont montré, chacun d’un point de vue spécial, les services divers qu’il y avait à attendre de l’introduction de la viande dans l’alimentation populaire, et l’économie même qui pourrait en résulter pour les petites bourses. Je rappellerai encore l’excellent discours qu’a prononcé M. Daru à la chambre des pairs il y a quelques jours. L’espèce d’agitation qui a régné dans le pays au sujet des droits sur le bétail a été l’ouvrage du gouvernement plus que de personne ; il devrait s’en applaudir, car c’est honorable pour lui. Cependant la disette s’avance sur nous, elle nous saisit, elle étreint les populations. L’instant semble arrivé où le gouvernement mettra à exécution une pensée qui lui était chère et qu’il semblait recéler au fond de son ame pour la faire paraître au grand jour dès que l’occasion se présenterait. Hélas ! non ; il ne veut plus de l’abaissement des droits ni comme mesure définitive, ni comme expédient provisoire. Une loi temporaire des subsistances est présentée ; le bétail et les viandes salées n’y sont pas nommés. Une discussion sur ce sujet s’ouvre à la chambre des pairs à l’occasion d’une pétition envoyée du Hâvre ; le ministre du commerce monte quatre ou cinq fois à la tribune pour combattre la commission, qui concluait à la suppression des droits pendant la crise, laissant indécise la question générale. On a remarqué combien le ministre, que personnellement chacun à la chambre des pairs aime et honore, avait eu peu de succès après un pareil effort. Quand on a été aux voix, deux mains seulement se sont levées pour appuyer ses conclusions. Ce vote cependant est un avertissement pour le cabinet.

Ces inconséquences et ces fausses mesures ont été inspirées par une même pensée. On s’est laissé dominer par la crainte que les subsistances ne tombassent à trop bas prix pendant l’année 1847-48. Surprenant