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étrangers qui, jusqu’à présent, nous étaient réservés. Nous tirions de la Belgique des bœufs et beaucoup de vaches, dont une partie provenait des provinces hollandaises ; maintenant la Belgique et la Hollande dirigent leur bétail sur le marché britannique, où les prix sont plus élevés. C’est ainsi que l’Angleterre a reçu, en 1846, 17,121 bœufs, 22,994 vaches et 2,447 veaux, tandis qu’en 1844 elle n’avait tiré de l’étranger que 3,710 bœufs, 1,156 vaches et 55 veaux ; de même pour les moutons et les porcs. J’applaudis de tout mon cœur à ce que notre agriculture trouve de l’autre côté du détroit un débouché avantageux pour ses productions, mais je m’inquiète devoir diminuer ainsi les ressources alimentaires de la France, déjà trop exiguës, si l’on ne nous ménage en même temps le moyen de les remplacer. Laissons à l’exportation la liberté dont elle jouit, rendons-la plus libre même par la suppression des droits de sortie, mais en revanche, appelons l’importation, provoquons-la par l’abolition des droits. Dans l’intérêt de l’hygiène publique, qui réclame impérieusement qu’au lieu de restreindre sa consommation de viande, la France l’augmente, il faut de deux choses l’une : ou mettre un droit élevé sur le bétail à la sortie, ou bien ouvrir au bétail étranger la porte à deux battans. De ces deux solutions, entre lesquelles il faut absolument choisir, la seconde certainement est la seule possible, quelque puissans que soient les prohibitionnistes dans l’état.

Il résulte de ce qui précède que dès aujourd’hui l’établissement de la liberté du commerce des céréales n’aurait aucun inconvénient et ne produirait que des avantages. Je parle de la liberté définitive, permanente, telle que l’avaient nos pères quant à l’entrée. À cause de la disette, on a reconnu déjà le besoin d’un régime de franchise provisoire, qui expirera au 31 juillet. Il est nécessaire de maintenir la suppression des droits sur le blé pendant une année, à partir de la récolte prochaine. C’est la détermination à laquelle sont arrivés les gouvernemens les plus éclairés de l’Europe occidentale, le gouvernement anglais et le gouvernement belge notamment. Le gouvernement anglais, qui avait aboli définitivement, par la loi de 1846, les droits sur les subsistances du règne animal, et qui s’était contenté d’abaisser dans une très forte proportion les droits sur les céréales de manière à ne laisser commencer la liberté qu’au 1er février 1849, a, au commencement de l’année courante, institué provisoirement urne entière liberté du commerce des grains jusqu’en septembre ; il vient d’annoncer l’intention de la proroger d’un an. Le gouvernement belge a pris le même parti ; il recule même le terme de la liberté provisoire jusqu’au 31 décembre 1848. Chez nous, on s’est refusé à rien changer aux lois qui règlent l’entrée des denrées animales. On consent en ce moment à une prorogation de l’exemption pour les céréales, maison ne la veut que de trois mois.