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davantage à mesure qu’on pourra lui en livrer. Dans une dizaine d’années, elle devra approcher de 20 millions d’hectolitres. Tout ce que pourront ajouter à leur production les espaces compris dans le rayon ordinaire d’approvisionnement des ports de la Baltique et de la mer Noire ira donc s’y engloutir. Comme ce ne sont pas des pays en voie d’amélioration rapide, on est fondé à dire qu’ils auront de la peine à suivre les progrès de la population et de l’aisance dans la Grande-Bretagne, plutôt que la Grande-Bretagne ne soit exposée à un trop plein de leur part. Pour que des contrées qui mettent dans le commerce tous les ans 12 à 13 millions d’hectolitres y ajoutent immédiatement plusieurs millions, et puis 550,000 à 600,000 hectolitres de supplément chaque année, à moins d’une hausse des prix qui appelle sur le marché la récolte de cantons plus éloignés que ceux qui exportent habituellement, il leur faudra faire un énergique effort, et, à l’exception des États-Unis, l’homme de ces contrées à blé n’a pas l’habitude de déployer une grande énergie ; car c’est ici que vient à sa place l’observation que ce sont des populations asservies.

Ainsi l’ouverture franche du marché anglais au blé de tous les pays est une garantie contre la baisse, que d’autres nomment l’avilissement des prix, sur tous les autres marchés, indépendamment de toute cause spéciale plus ou moins temporaire d’enchérissement. Et qui ne le voit ? une pareille cause existe et fera pendant plusieurs années sentir son action. Qui ne sait l’influence désastreuse qu’exerce aujourd’hui la maladie des pommes de terre sur les ressources alimentaires des nations ? A superficie égale, un champ planté en pommes de terre nourrit environ deux fois et demie autant d’hommes que si on le mettait en céréales. Là où vous subveniez à l’alimentation d’un million d’hommes, vous n’en nourrissez plus que 400,000 si vous substituez des céréales à la pomme de terre. Depuis quelque temps, la pomme de terre jouait un très grand rôle dans l’alimentation de l’Europe. En Irlande, c’était la presque unique nourriture des deux tiers de la population. Aussi, pendant quelques années au moins, plusieurs contrées de l’Europe, et l’Irlande plus que tout le reste, auront besoin qu’on les aide à se nourrir. En Irlande, le déficit semble devoir être égal à la subsistance de plusieurs millions d’hommes. On est autorisé à croire que dans l’Irlande, qui est mal cultivée, et dans quelques autres pays continentaux où la culture n’est guère meilleure, le perfectionnement agricole finira par combler le déficit ; mais ce ne sera pas l’œuvre d’une saison, il y faudra des années. En Irlande particulièrement, la bonne volonté des populations n’y suffirait pas ; il ne faudrait rien moins qu’un changement radical dans les lois sur la propriété, ce qui n’est pas facile. Pendant quelques années donc, l’Irlande devra tirer du dehors la subsistance de 2 ou 3 millions d’hommes peut-être, à moins que la Providence ne