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États-Unis se déroule comme si elle devait offrir jusqu’à un certain point une gradation analogue. Si l’on se bornait à envisager les anciens états, les treize ci-devant colonies qui proclamèrent l’indépendance, on y retrouverait nettement dessinée la succession des trois phases du commerce des grains, l’exportation, l’équilibre, puis l’importation qui caractérise la situation présente de la Grande-Bretagne.

Aux États-Unis, autrefois, chaque état se nourrissait par ses propres ressources en grains, et produisait à peu près son propre froment en particulier. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Les anciens états qui bordent l’Océan Atlantique, depuis la Nouvelle-Écosse jusqu’à la pointe de la Floride, ont dans leur ensemble cessé de subvenir à leur propre alimentation. Les états de la Nouvelle-Angleterre, qui sont les plus septentrionaux de cette belle chaîne, se sont couverts clé manufactures ; New-York, justement nommé l’état-empire, à cause de la puissance de son commerce et de ses capitaux, a fait de même. La Pensylvanie, profitant des beaux gisemens de charbon et de fer et des innombrables chutes d’eau dont l’a dotée la nature, a ouvert aussi de nombreux ateliers. Le Maryland, son voisin, est devenu pareillement manufacturier. Dans les états du sud, on est resté beaucoup plus agriculteur, mais on a cessé de l’être aussi exclusivement, et surtout on s’est livré aux cultures qu’on peut appeler commerciales, tandis qu’à l’origine l’ambition de chaque famille se bornait à peu près à vivre sur son domaine. L’exploitation du sol a été tournée, autant qu’on l’a pu, vers la production du tabac, et bien plus encore vers celle du coton ou même du sucre[1]. Dans toutes les parties de l’Union, la population urbaine a été en croissance plus que la population des campagnes. En 1790, plusieurs années après l’indépendance, il n’y avait dans toute l’Union que trois villes de plus de 20,000 ames ; et Philadelphie, qui avait le premier rang, était à 44,000 seulement. On y compte aujourd’hui cinq villes de plus de 100,000 ames, et New-York, avec les communes attenantes de Brooklyn et de Jersey-City, doit présentement approcher de 500,000. En 1790, la population totale était un peu au-dessous de 4 millions ; celle des six plus grandes villes du littoral, réunies aux huit principaux centres de l’intérieur, ne montait qu’à 135,000 ; c’était la proportion du trentième. En 1840, sur un total de 17 millions d’a mes, les mêmes quatorze localités allaient à 1 million 50,000 ; c’est environ le quatorzième. Si l’on prend l’ensemble des villes, on trouve que, dans la période décennale de 1830 à 1840, la population urbaine est passée de la proportion’ du quatorzième à celle du huitième. Dans les six états de la Nouvelle-Angleterre pris isolément, la proportion, en 1840, était du tiers.

  1. La culture de la canne est resserrée dans la Louisiane ; si ailleurs on fait du sucre, c’est avec le suc de l’érable, et on n’en produit ainsi que de petites quantités.