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classes pauvres la hausse du prix du pain par le système, des bons. A cet égard, il ne s’est pas trompé. La plupart des communes urbaines ont suivi en cela l’exemple que leur donne sur une si grande échelle la ville de Paris, et la charité privée s’est mise à l’œuvre de très bonne grace.


II.

Pour l’avenir, car la crise n’est pas terminée, y a-t-il lieu de s’attendre à plus de résolution de la part de nos hommes d’état, à plus de chaleur de la part des chambres ? Il est permis d’en douter. Le projet de loi nouveau sur les subsistances, dont nous aurons à parler bientôt, n’est pas conçu de manière à inspirer beaucoup d’espoir. Dans les circonstances difficiles cependant, c’est un devoir pour chacun d’exprimer son opinion. J’exposerai donc ici quelques aperçus sur les denrées alimentaires et sur les travaux publics extraordinaires. En premier lieu, étudions la question des subsistances dans ses rapports avec le commerce général du monde ; occupons-nous d’abord des céréales, du blé-froment, qui est de tous les grains incomparablement celui qui se transporte le plus d’un état à un autre. Passons rapidement en revue les différens pays producteurs ; rendons-nous compte de leur capacité productive et des prix auxquels ils pourraient livrer leurs réserves. Ces pays se réduisent à peu près au bassin de la Baltique, à celui de la mer Noire et aux États-Unis.

La question de savoir combien de blé on pourrait retirer de ces contrées diverses, et quel en serait le prix, a été étudiée minutieusement et sans relâche depuis près de trente ans. Dès le rétablissement de la paix, le gouvernement anglais, intéressé plus que tout autre à se bien éclairer sur ce sujet, se mit à réunir tous les renseignemens qu’il put, par ses consuls, par des agens spéciaux. De là particulièrement le rapport célèbre de M. Jacob, en 1826, que tous les documens sont depuis venus confirmer. Après avoir parcouru le bassin de la Baltique, qui est le mieux situé pour approvisionner le marché de Londres et en général tout le littoral de la mer du Nord et de la Manche, M. Jacob rentra dans sa patrie avec cette conclusion, que les excédans qu’on en pouvait retirer étaient limités, que les prix, indépendamment de ce que les qualités laissent souvent à désirer, n’étaient point aussi bas que l’avaient prétendu les partisans d’une protection effrénée. C’est de la Pologne plus spécialement que viennent par Dantzig les blés qu’exporte la Baltique ; les grains de Dantzig sont les plus recherchés d’ailleurs, parce qu’ils sont d’une belle espèce. Recueillis péniblement au bord des fleuves dans ces régions dépourvues de routes, ils descendent la Fistule, lorsque la saison des pluies la gonfle, dans des barques grossières où