lorsqu’elle dure, est donc un de ces fléaux dont les nations sont long-temps à se relever. Elle ouvre un gouffre où les capitaux s’engloutissent, dans les profondeurs duquel les économies disparaissent. Il n’y a pas de devoir plus impérieux pour les pouvoirs de l’état que de s’efforcer d’en adoucir les rigueurs. De ce point de vue, notre parlement offre depuis quelques mois un spectacle bien peu édifiant ; à le voir délibérer, on ne soupçonnerait pas qu’il y ait de souffrance publique.
Il était naturel de s’attendre à ce que, la disette une fois déclarée et la vanité des circulaires ministérielles reconnue, une double action s’organisât pour l’abaissement du prix des subsistances et pour le développement des travaux publics. Le gouvernement de 1830 se pique de sagesse ; il a fait la preuve de son amour de l’ordre ; il a témoigné plus d’une fois de sa sollicitude pour les intérêts de la classe laborieuse ; il a montré qu’il appréciait tout ce que le travail recèle en soi de puissance pour le bien-être des populations et la tranquillité des états. Une loi a été en effet présentée et votée pour l’entrée provisoire en franchise des céréales et des autres farineux[1], et à deux reprises une loi propre à exciter les travaux d’utilité communale est venue offrir un débouché aux travailleurs sans emploi.
À cette double opération le gouvernement a apporté une réserve excessive. L’introduction en franchise des céréales n’a été consentie que jusqu’au 31 juillet, époque à laquelle certainement on n’aura pas eu le temps de battre et de moudre une partie appréciable de la moisson. La proposition émise par voie d’amendement d’étendre la même immunité à la viande a excité, c’est pénible à dire, dans le sein de la chambre des députés une clameur violente à laquelle les généreux auteurs de l’amendement ont cédé. On peut regretter qu’ils n’aient pas insisté davantage. Quand on soutient une cause juste, une cause sacrée, quand on a plus de talent qu’il n’en faut pour la faire triompher, on a tort de reculer devant du tapage. On doit forcer au moins ses adversaires à produire leurs argumens au grand jour de la tribune, et il y a des argumens qui ne supportent pas le grand jour. Malheureusement cette proposition toute d’humanité n’avait trouvé aucun appui dans le gouvernement. Les subsides aux travaux d’utilité communale ont dû déterminer des entreprises d’un montant total de 32 millions de francs ; dans un pays qui compte 35 millions de population, c’est peu. Le gouvernement, à la vérité, a pensé que tout ne devait pas venir de lui, que d’autres ressources extraordinaires seraient offertes aux populations. Il a compté sur l’empressement des communes à limiter en faveur des
- ↑ Nous disons l’entrée en franchise, quoiqu’on ait laissé subsister un droit de 25 centimes par hectolitre ; mais ce droit ne sert qu’à constater les quantités qui entrent.