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nous n’espérons pas que ces considérations puissantes soient de nature à suspendre la décision du gouvernement espagnol ; les propriétaires qui forment la grande majorité des cortès nous ont prouvé que l’île avait tout à redouter de leur jalousie et rien à attendre de leur prévoyance ou de leur justice. Tels sont les obstacles contre lesquels l’île de Cuba a toujours eu à lutter depuis son premier envoi de fonds à la métropole ; telle a été pour cette généreuse colonie la reconnaissance de la Péninsule.

Après ce tableau des nombreuses atteintes portées à la prospérité de Cuba par l’égoïsme imprudent de l’Espagne, on pourrait croire que cette île languit aujourd’hui frappée d’une irrémédiable torpeur. Il n’en est rien cependant, et là est encore le signe le plus certains des avantages de la liberté commerciale appliquée aux colonies. Sans doute cette application, dans l’acception illimitée du mot, n’a été pour Cuba que passagère ; si le décret de 1818 n’a pas été tout-à-fait abrogé, il a été l’objet de nombreuses et funestes restrictions. Néanmoins cette seule période (de 1818 à 1829), pendant laquelle Cuba jouit de franchises si rares et si complètes, suffit pour développer dans sa population une activité, une énergie qui lui permirent non-seulement de lutter sans désavantage contre le mauvais vouloir de l’Espagne, mais de la dépasser encore dans la voie du progrès moral et du progrès matériel. Pour faire ressortir ce qu’un régime vraiment libéral peut avoir de fécond pour les colonies, il nous reste à montrer ce que Cuba, fortifiée par quelques années de liberté commerciale, a pu faire même quand cette liberté lui a été en partie retirée.


III.

Ce n’est pas seulement, comme on pourrait le croire, à la fertilité d’un sol privilégié que l’île de Cuba dut de pouvoir lutter contre les difficultés que lui suscitaient de toutes parts les hésitations de la métropole et l’inexpérience gouvernementale du parlement de Madrid. Autour de Mexico, de Guatemala, de Lima, s’étend un territoire non moins fertile que celui de Cuba, et cependant la prospérité des colonies dont ces villes étaient les capitales n’a pas survécu aux mesures imprévoyantes dictées par des gouvernemens dans l’enfance. La fermeté, l’activité, l’intelligence, voilà ce qui manqua à des populations si favorisées d’ailleurs pour tirer parti des ressources de leur territoire, voilà précisément les armes qu’opposèrent les colons de Cuba aux lois émanées de la Péninsule.

Appelée fortuitement, pendant les guerres de l’indépendance américaine et de la révolution française, et plus tard par le décret de 1818, aux bénéfices des franchises commerciales, la population créole se